« L'Algérie de nature... » (Plaidoyer pour un développement durable algérien)
« Algérie de nature... » (Plaidoyer pour un développement algérien)
Il me semble qu’il y a une grande différence entre faire du développement durable en Algérie et inventer le développement durable algérien. La même qui devrait différencier un pays important quasiment toute ce qu’il consomme, d’une nation vraiment autonome et donc incontestablement indépendante.
Si développement durable n’est que l’euphémisme de croissance continue, juste une manière plus démagogique de rester ultra-libéral pour certains, alors il ne saurait être bénéfique pour ceux et celles qui ont des ambitions bien plus salutaires pour la jeune nation Algérie. Le Libéralisme, même sous sa forme la moins farouchement capitaliste, n’en demeure pas moins un environnement si peu favorable au respect de toutes nos libertés individuelles, autant que pour la biodiversité de notre planète. L’actualité mondiale ne cesse de confirmer cette réserve que je me permets d'émettre concernant une approche trop « globalisante » du développement durable en Algérie; même n'importe où ailleurs dans un pays du Sud.
Ce développement durable, dont on devrait préserver l’Algérie, malgré qu’on se soit évertué à le grimer d’un vert industriel, reste fondamentalement celui qui fait de la matière sa ressource première. Tout n’est que fumée de confusions, dans la forme qu’il a choisie pour devenir légitime auprès du grand public. Mais il demeure assez facile à démasquer tant il n'a pas d'égard pour notre intelligence ou notre capacité à le contester. Tel développement ne saurait être durable dans un espace aussi fini que la planète Terre. Encore moins, donc, il ne sera indéfiniment soutenable pour l’Algérie, aussi vaste contrée riche en ressource naturelle soit-elle. C’est d’ailleurs la faille la plus évidente et incontestable que les nombreux détracteurs du terme « développement durable » mettent le plus souvent en exergue dans leurs argumentations.
Ou bien, il faudra bientôt que cette croissance continue s’étende au-delà de notre atmosphère. Que l’Humanité s’engage vraiment à la conquête de l’espace. Car sans la découverte d’un « nouveau monde » planétaire, ce développement continu ressemble beaucoup à un suicide, à l’échelle de toute une espèce. Vu qu'il faudra bientôt au moins sept planètes pour que la croissance économique mondiale se développe durablement.
Développement durable ne doit donc pas être un tour de passe-passe diplomatique. Si cette expression sous-entend qu’il se fera seulement avec la matière de l’Afrique et l’esprit du Nord. Alors il ne pourrait être celui d’aucun peuple Africain, il me semble, même « du Nord ». On a coutume de stigmatiser notre continent comme étant le territoire de prédilection d'experimentations pour le capitalisme européen. Mais on oublie trop souvent que l’Europe, par exemple, le Canada, ou les Etats-Unis, ont été et sont elles aussi de formidables laboratoires ainsi que des pépinières de talents pour nombre d’Africains du Sud comme du Nord. J’oserais dire qu’une partie non négligeable du développement durable dont j’aimerais à présent vous parler, existe déjà dans l’esprit de nombre d’Africains résidant hors de leur pays d’origine. Et, fort heureusement, ils ne sont pas les seuls...
En ce qui concerne notre pays, beaucoup de natifs de l’Algérie, en bons Algériens qu’ils sont, enfants d’un peuple voyageur par nature, sont allé explorer d’autres horizons plus ou moins lointains. Ils sont nés en Algérie, y ont grandi, à ma grande différence. Mais pour des raisons qui leurs sont propres, ils se sont éloignés de leur pays natal. Un peu comme il est peut être bon, parfois, de prendre un peu de distance avec un foyer familial un peu trop étouffant.
Cette Algérie-là, plus en suspens qu’en exil, il me semble, s’est réalisée à biens des endroits de la planète. N’en déplaisent à tous leurs détracteurs, d’ici ou d’ailleurs, ces Algériens-là ont laissé bien plus à leurs pays d’accueils que de la délinquance ou de l’obscurantisme religieux. dont nous abreuvent sans cesse les médias dès qu'il est question de jeunes algériens. Cette Algérie dont je vous parle, est plus ou moins jeune. Elle a su inventer, créer, maitriser, s’imposer, produire, s’impliquer, relever bien des défis du développement durable de ces nations où ils résident. Certains d’entre eux n’ont pas oublié d’où ils viennent et ne demandent qu’à reproduire leurs réussites en les adaptant au contexte algérien. Je ne dis pas que tous les Algériens qui constituent cette diaspora algérienne sont animés par cet esprit. J’aimerais seulement parler d’une frange de cette communauté algérienne dont l’existence me parait beaucoup trop souvent ignorée; J'aimerais nous rappeler ainsi la plus-value que ces compétences algériennes en exil représentent pour l’économie de l’Algérie de demain, à défaut d'être impliquée dans la faillite rentière dans laquelle elle parait s'embourber à mesure que les cours du pétrole dégrigolent.
Il ne faudrait pas croire qu’il me viendrait à l’esprit d’occulter l’Algérie qui est resté au pays. Bien au contraire, j’ai eu la chance de rencontrer tant de ses dignes citoyens, un peu partout à travers le territoire national, pour ne pas considérer qu’ils demeurent le socle de ce développement durable algérien. Ils ont maintenu, tant bien que mal, un certain cap en remportant de nombreuses batailles. Malgré qu’ils évoluent dans un environnement aussi hostile à leurs bonnes volontés. Leurs résultats sont à bien des égards des exploits quand on sait dans quel contexte ils les obtiennent. De plus, ils sont les détenteurs du savoir le plus précieux pour entreprendre une véritable œuvre de développement durable algérien : une connaissance intime du terrain et des populations locales, un vécu quotidien des réalités de la société algérienne contemporaine.Une majorité de jeunes, mais aussi beaucoup de personnes d'un âge plus mûr.
Il y a enfin, l’Algérie qui est née ailleurs. Celle qui habite nombre de ses enfants bien plus qu’ils ne l’ont habités. Ces sont des Algériens, des Algériennes qui ont su assimiler les cultures de leurs nations d’accueil, et n’en restent pas moins, tout comme moi, très attachés à leurs pays d’origine. Parmi eux, aussi, de nombreux éléments détiennent bien des clefs du développement durable que nous avons le devoir d’inventer pour ne pas être tributaires de celui de nos partenaires étrangers. Non qu’il ne soit pas vertueux ; c’est juste que, si nul n’est prophète en son pays, il ne faudrait pas non plus oublier toutes ces bonnes idées algériennes qui se sont réalisées ailleurs qu'en Algérie...
Nous devons certes nous inspirer des réussites du monde entier. Mais il serait également judicieux de ne pas produire que des échecs nationaux. Je suis confiant dans le fait que le développement algérien ne pourrait être un vrai partenaire bénéfique pour celui de nos partenaires étrangers, que s’il nous rend égaux en créativité ainsi qu’en force de proposition dans nos échanges de développement durable avec eux. Un deal "gagnant-gagnant", comme on dit dans le jargon du developpement durable qui pense global et agit local.
J’ai rencontré, écouté, et me suis beaucoup inspiré de la clairvoyance de tant de mes pairs Algériens à propos du développement durable algérien. Ils tardent cependant à agir enfin de pair ; et balayer d’un trait de bonne volonté tout ce qui pourrait nuire à cette unité, incontournable condition d’une action nationale.
Je sais qu’ils sont bien plus nombreux que cela à démentir dignement tous ces clichés sur notre supposée nature endémique d’indisciplinés compulsifs et de flibustiers des temps modernes. Car ces stigmates comportementaux qui ont gangréné notre communauté ne sont sûrement que les symptômes d’une pathologie multinationale qui s’applique à dénaturer l’Algérie nationale jusque dans sa localité. Beaucoup d’Algériens en souffrent et pas seulement qu’en Algérie. Certes, mais pas tous...
Et si nous focalisions pour une fois sur la meilleure partie d’entre nous ? Comme on veille jalousement sur agrégat de bourgeons émergeant d’une souche de bois que l’on croyait définitivement mort...
Bien entendu, il ne faudrait surtout pas idéaliser l’Algérie. Celle dont je dont je vous ai brossé brièvement le portrait, durant ces quelques paragraphes, n’est pas majoritaire, encore moins, il me semble, elle n'est que si peu décisionnaire aujourd’hui. Je parle ici au nom de ces quelques milliers d’Algériens que j’ai pu croiser sur ma route ou sur le net, sur les sentiers battus où persistent encore des brins et des champs de nature algérienne ; comme un radical collectif à toutes nos identités régionales et ethniques.L'essence même de qui nous sommes collectivement. Car l'identité est intime; seule la nature humaine peut être considérée comme collectives. Ainsi, il peut y avoir autant d'identiés algériennes que de façons d'être Algériens qu'il ne doit exister qu'une seule Algérie et un seul peuple Algérien, au bout du compte.
Ces Algériens et ces Algériennes-là, brûlent d’un amour presque filial pour leur terre-mère ; dans sa globalité territoriale et culturelle. Ils sont l’Algérie de nature. C’est notre nature matérielle et immatérielle qu’ils défendent de l’érosion des vents du nord. Ils ne se considèrent pas comme les meilleurs d’entre nous et ne sont en rien conservateurs, si ce n’est de leur liberté d’esprit. Tout comme Algérie, même dans mon cœur, ne saurait être le meilleur peuple du monde. Nous sommes un peuple parmi tant d’autres, tributaires d’un territoire et d’une Constitution pour environnement national. Tâchons d’être simplement égaux à nous-même et de faire ainsi honneur à notre nature aux yeux de tous les autres peuples de l’Humanité. Inventons notre développement durable avec un état d’esprit local tout en nous impliquant dans un projet de collaboration internationale en matière de développement durable planétaire.
Nous Algériens, d’ici ou d’ailleurs, devrions aspirer surtout à tout simplement d’être nous-même ensemble et individuellement. Et non plus nous défier systématiquement de nos différences, quand on nous prend séparément. Une identité plurielle algérienne, à la rigueur, mais admettre sans faillir qu’il existe bien une nature singulière et commune à un peuple « un et indivisible »; depuis la création de l’Algérie des Algériens qui a coûté tant de tributs de sang. Avec pour matrice une mosaïque de cultures dont nous avons hérité. De cette terre, ainsi que la nature de nos ancêtres, nous sommes les héritiers. L’Algérie moderne est, historiquement, il me semble, le produit d’un peuple, plus que l’invention d’un pays ; c’est donc bien du développement durable de ce peuple qu’il s’agit d'inventer pour l'Algérie. Qui pourra le faire mieux que ceux et celles de ses enfants dont c'est le rêve le plus cher?
Seul un développement humain. au fond, pourrait être durable sur Terre. Celui qui réconciliera peut-être, par exemple, l’Algérie en tant que pays avec le peuple El Djazaïr. Qui fera la part belle aux investissements humains, à la dépense de la jeunesse, aux profits communs. Je ne pourrais pas vous en dire plus à ce sujet, car il s’agit de l’inventer ensemble, Algériens d’Algérie de tous les horizons qu'ils soient tant qu'ils ont l'Algérie de nature comme seconde peau...
Parce que nous ne pourrons jamais vivre en paix l’Algérie si elle ne nous ressemble pas vraiment...
Texte et photo de Karim Tedjani.
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