"L'écologie des mots " #1
En Algérie, comme beaucoup de pays maghrebins, on parle régulièrement d'environnement dans plusieures langues...(Photos: Karim Tedjani)
Quelques mots sur l'environnement (et de l'utilité de réfléchir à leur sens)
Dès lors que la parole s'est transformée en technique pour convaincre, deux voies se sont ouvertes qui, malgré Aristote, semblent assez perméables l'une à l'autre : L'une continuera, jusqu'à aujourd'hui, à postuler la toute-puissance potentielle de la parole ainsi transformée en outil pour convaincre, l'autre suggère que l'usage de l'outil devrait être rapporté à une éthique spécifique, quitte à rompre avec la recherche systématique d'une efficacité, d'ailleurs souvent illusoire. Aristote donne ainsi les termes de ce clivage en soulignant avec force que la fonction de la rhétorique n'est pas de persuader à tout prix " Mais de voir les moyens de persuader que comporte chaque sujet ".
On a coutume d’admettre que l’homme, en inventant l’écriture, donna ainsi naissance à la notion d’état. Ce qui rend donc naturellement corollaire à cette vision, l'idée que la maitrise du langage est un des fondements du pouvoir politique; mais aussi un des meilleurs outils pour s'en défaire, quand il n'est pas légitime.
Dans nos sociétés ultra médiatiques comment le discours publique aurait-il pu rester totalement innocent à nous décrire l’environnement ?
Le pouvoir des mots
La parole, les mots, relégués au degré de science rhétorique, d’art de moduler leurs sens pour convaincre, deviennent ainsi médias de pouvoir. Car, n’est-ce pas le principe même de la démocratie médiatisée ? De convaincre ...
Nul besoin ici de citer tel ou un tel philosophe antique pour affirmer sereinement que l’art de convaincre et la science linguistique sont les deux revers tranchants d’une même épée de Damoclès ; qui siffle parfois sur nos têtes comme les sirènes d’un cerveau reptilien déchirant le vent de nos élans à progresser vers le meilleur de notre âme; à ne pas écouter que les sirènes de nos estomacs.
Les mots ne sont jamais innocents, même quand ils ne sont pas intentionnellement coupables ; mais à coup sûr, ce sont les plus habiles complices de celles et ceux qui ont su en percer les mystères. Ce n’est pas pour rien que, pendant longtemps, l’écriture et la lecture furent réservées à une élite. Ce furent d'ailleurs sont souvent les plus grands démagogues ou dictateurs populistes comme Charlemagne ou Napoléon qui ont lutté contre l’analphabétisme dans leur pays. Sinon comment auraient-ils pu diffuser leur propagande à l’échelle de tout un empire ?
Cette réalité historique qui associe pouvoir et parole peut être abordée selon différents points de vue ; en fonction du sujet où elle est sollicitée pour l’expliquer.
S’intéresser au pouvoir des mots sur notre environnement, il me semble, est une bonne façon de mettre en exergue certains traits indissolubles de la nature même de nos sociétés dites "modernes" ainsi que de leur conception contemporaine de cet espace. Un milieu humain à la fois matériel et immatériel, quand on considère l’environnement à sa juste dimension. Donc, il me semble, on ne saurait limiter l’étude des habitats et des interactions environnementales de l’espèce humaine par la seule approche de l’écologie scientifique ou des sciences sociales ou économiques.
La sémantique et la poésie à la rescousse de l'écologie
Il faut appeler également celles du langage au secours d’une si vaste entreprise. Toute la difficulté est là, quand on se penche sur la notion d’environnement ; c’est un abîme profond, sans écho, qui vous tend les bras...
Un puit de science, d’émotions humaines, de statistiques, de nombres en tout genre, de concepts philosophiques, d’idéologies politiques, d’expressions artistiques de tous styles . Bref ce n’est pas simple à définir l’environnement. Alors que cela devrait être vécu de manière totalement naturelle. L’homme ressent les choses qui l’entourent avec son corps, son "cœur" son âme, et son esprit. L’environnement ne peut être une réalité sociale établie que si elle est acceptée et confirmée par une expérience intime. C’est pourquoi quand on parle de climat mondial, de lutte contre les changements climatiques et de tous les thèmes associés à ce débat, on doit le faire d’abord avec ses propres outils. Suivre en premier lieu son instinct personnel, avant de donner raison à telle ou telle conviction préétablie par une volonté de pouvoir en action.
Le mien,d'instinct, habitué à sentir la nature ailleurs que sur mon petit écran, m’interroge sur celle des mots qui entourent et influencent notre vison du « Climat ».Non pas pour seulement critiquer. Mais avant tout dans le dessein de comprendre. Puisque la COP21, se profile et que l’Algérie mon pays d’origine, ainsi que la la France, nation de ma naissance, vont se rencontrer à Paris autour de ce sujet d’envergure globale. Et cela entourés de pas moins de 196 pays étrangers; du moins ainsi qu’ils y sont attendus.
L'Algérie politique plus concernée par la protection de l'environnement que par le respect de la nature
N’oublions pas que l’Algérie, par le biais de sa diplomatie, semble avoir été mise à l’honneur lors de ce prochain événement planétaire dédié aux changements du climat mondial. Qui semblent être devenus irréfutables par l’intelligentsia mondiale officielle. Plus d’un millier d’intellectuels du monde entier, tous ainsi nobélisés, pour avoir contribué à confirmer de manière établie l’existence de ces changements ainsi que l’influence de nos sociétés industrielles sur ce phénomène.
C’est dire que, normalement, chaque Algérien et Algérienne, devrait s’interroger sur un sujet dans lequel notre pays s’est apparemment engagé de plein pied. Un processus consensuel auquel certains pays du Nord ne semblent cette fois-ci pas être si frileux qu'à l'accoutumée.
Loin de moi la prétention de vous faire une analyse de journaliste, ni cours d’histoire ou de sémantique sur le sujet. Ni de prétendre vous apporter les clefs d’un si vaste environnement de questions. Vous l’aurez deviné, pour celles et ceux qui ont pris l’habitude de me lire, j’en suis malheureusement incapable...
Cependant, la curiosité n’est un souvent vilain défaut que dans l’esprit de ceux pour qui la crédulité libérée du doute est un fonds de commerce intarissable. Je pense qu’il ne serait pas inutile pour nous de réfléchir par nos propres moyens sur l’influence des mots sur notre environnement intime ou collectif. D’autant plus que l’on ne semble pas nous y encourager en Algérie, et que c’est un sujet des plus négligé par nos intellectuels, il me semble. A tel point que je me suis obligé à surmonter mes lacunes dans leurs domaines de prédilection afin de les inviter à élever cette réflexion à la hauteur de leur grands esprits algériens.
D’autant que je suis tout à fait conscient que mon approche ne peut être que partielle, dès lors qu’il s’agit de l’environnement algérien. Au regard de la faible influence contemporaine du français sur l’environnement quotidien de millions d’Algériens qui ne parlent pas ou pas vraiment le français. Pour moi ce travail d’analyse doit être accompli, bon gré malgré, pour toutes les langues qui constituent l’écosystème linguistique de l’Algérie moderne. C’est aussi à nos poètes, nos historiens, nos philosophes nos linguistes, nos théologiens et nos sociologues, et pas seulement à nos écologistes et écologistes que ce travail de fond incombe. Car dans ce champ de réflexion environnemental, il me semble, il y a beaucoup de pistes à trouver pour redonner à la modernité algérienne une nature plus algérienne ; c’est-à-dire universelle et singulière à la fois.
Les modernité multiples du "monde moderne"
Car justement, peut-on appréhender le mot « modernité » de la même manière au Nord comme au Sud du globe terrestre ? Sans risquer la confusion ?
L’avènement des Temps modernes, en Europe, par exemple, est régulièrement daté par la découverte des Amériques en 1492. Du moins, pour ceux qui lui reconnaitront une origine antérieure à la révolution industrielle.
En ce qui concerne l’Algérie moderne, certains diront que l’Emir Abdel Kader en fut le père fondateur en créeant le premier état algérien souverain ; d’autres paraissent la remonter à l’Indépendance de notre pays, d’origine ou de naissance. Pour ma part, et si l’on considère la modernité d’un point de vue purement environnemental, et non plus seulement technologique, social, ou historique, celle de l’Algérie devrait remonter au premier voyage de l’Emir en France ; et notamment lors de sa visite à l’exposition universelle.
La parole manipulée au service de la démagogie
Mais revenons à notre sujet central, et je vous prie de prendre cet avis avec la précaution d’un lecteur face à un auteur qui n’a pas encore étudié le sujet en profondeur.
Cette fois-ci, pour poursuivre ce premier billet sur le champ lexical de l'environnement, j’évoquerais le nom d’un intellectuel français contemporain. Philippe Breton, qui publia en 1998 un délicieux petit essai concernant « La parole manipulée ». Il y soutient ici, avec une clarté de ton et de forme des plus pédagogiques, que certains mots courants dans nos débats démocratiques sont des « mots pièges ». L’auteur pose également, avec beaucoup de brio, une question fondamentale pour aborder tout débat politique ou médiatique :
Que se passe-t-il quand celui qui veut amener l’autre à épouser ses idées, par les voies du dialogue, même démocratique, connait le sens des mots avec une plus grande acuité que son interlocuteur ? Que vaut la démocratie quand ceux qui l’activent dans nos sociétés sont devenus de véritables professionnels de la parole, tandis que les masses de consommateurs s’appliquent à tuer le langage de son étymologie par de vagues formules abrégées.
On le dit si peu souvent, mais la technologie et la science ont largement donné les moyens à certains d’avoir mille et unes longueurs d’avance sur nous en matière de langage. On ne s’en rend pas vraiment compte, si ce n’est d’instinct, mais les mots viennent de moins en moins du monde d’ici-bas ; leur laboratoire n’est plus seulement la rue ou la nature. À l’échelle mondiale, le plus grand réseau social virtuel de la planète est aussi celui des nantis de ce monde où ordinateur et internet sont loin d’avoir pénétré le quotidien de milliards de terriens. Au point de pouvoir les façonner avec des mots dont les définitions collectives seront les plus sympathiques avec des intérêts personnels en commun. N’est-ce pas là que se situe la frontière la plus flagrante entre démocratie et démagogie ? Entre dire et faire semblant ?
Le climat des mots
Par exemple, on devrait toujours s’inquiéter de ces formules de styles qui occupent largement le champ lexical d’une actualité médiatique. Plus elle est globale est plus il semble que leurs définition semblent focaliser sur un caractère bien particulier de son sens ; et ce à des fins de communication plus diffuse et assimilée par les « grandes masses » populaire. Tous ces mots qui seront « bombardés » avec récurrence dans nos têtes, afin de nous expliquer « clairement » le « pourquoi du comment des choses »...sont-ils vraiment innocents ?
Comment leur comprendre un sens qui n’aurait aucune arrière-pensée politique dans un monde où le « Marché » est un roi au-dessus des états du monde entier. Le langage des chiffres est en train de lentement substituer celui des mots, ou du moins de s’y mélanger. Qui n’aura pas le droit de prédire que nous ne parlerons, dans un siècle, peut-être plus qu’en code HTLM ? Ou qu’un autre langage informatique ne soit enseigné à l’école comme une deuxième langue obligatoire ? Que nos langues alphabétiques ou idéographiques ne seront un jour plus vraiment aptes à définir notre environnement de plus en plus virtuel ?
Personnellement, si j’ai bien appris quelque chose en m’intéressant à l’environnement , c’est que les mots ont une énorme incidence sur notre vision de ce qui nous entoure et nous influence. La politique environnementale d’une nation, la langue dans laquelle elle sera conçue détermineront bien des angles de notre environnement quotidien. Et, concernant le Climat, ainsi que ses thèmes les plus corollaires, je trouve qu’il y a tant de choses à analyser, même sous le filtre d’une approche si peu académique que la mienne.
"El Bia" un concept occidental "arabisé".
Si en Algérie, tout d'abord, la nature est devenue environnement, dans la politique nationale, et même en arabe (el Bia) cela peut être perçu comme une influence environnementale de l’anglais , puis du français. dans la conscience moderne de l'environnement que nous, Algériens, sommes en train de développer pour l'Algérie.
Car en Algérie, on a arrêté de parler de Tabi3a, la nature, seulement après que l'environnement replace ce mot dans la terminologie la plus établie parmi l’ensemble des nations industrielles du Nord. Et, de la même manière, que l'on y confond souvent protection de la nature avec celle de l’environnement. Pour moi la nature est un milieu qui contient l’homme. Tandis que l’environnement tel qu'il est décrit par les officines onusiennes actuelles est un écosystème où l'homme est centre de toute choses sur Terre.
Ce qui va, il me semble, en totale contradiction avec l’esprit oriental. Où la tradition ancestrale est que l’homme n’est pas le centre du monde, mais une partie inspirée par un souffle créateur. D’après le célèbre historien de l’environnement Rémi Brague, dans son ouvrage « Le règne de l’homme », l’Islam se différencie des autres religions monothéistes par une approche de la place de l’humanité dans la nature ; qui rend ce dernier non l’objet d’une domination humaine sous ordonnance divine, mais plutôt, une mise à disposition de tous les bienfaits de la nature par cette volonté divine en direction de l’être humain. Dans la tradition hindoue ou taoïste notre humanité ne semble être qu’une sacralisation des forces élémentaires de la nature ; qui a une dimension beaucoup cosmique et ésotérique que seulement terrestre.
L'homme est un tout dans un tout encore plus granb que lui; dont il a hérité des compétences qui le démarquent certes du reste de la Création, mais n'en fait absolument pas le maître. Voilà en quelques mots la vision orientale de la nature et de ce que nous appelons injustement l'environnement quand nous voulons la protéger.
L’environnement, comme sphère de la suprématie de l’humain sur le naturel est donc un concept typiquement occidental ; voire fondamentalement inspiré par le protestantisme anglo-saxon ainsi que le catholicisme latin. Un grand nombre de théorie écologistes soutiennent cette corrélation, certes, le plus souvent pour la critiquer. Ce qui n’est pas ici mon intention. Il n’est pas question de dire que l’approche musulmane ou orientale, si chère à la majorité des Algériens et beaucoup de pays dits du « Sud », rend l’homme naturellement plus vertueux face à la nature. Juste de dire que son absence d’anthropocentrisme est un des points de rupture avec la conception occidentale de l’environnement. Elle a au moins le mérite de le rendre plus humble, car aucunement elle fait de lui un maître potentiel pour la nature.
Hadi hi l'denia...
Souvent, il me semble, ce que l'Algérie politique qualifie de « Bia » était siginfié populairement par le terme « el dénia », en Dérija. Le monde terrestre, la réalité des hommes. et du reste du monde vivant.
Ce « Biha », qui à présent dans l’esprit de nos concitoyens, confond nature et environnement dans un rapport d’extériorité au sein d’une sphère interne. Ou plus simplement place l’homme dans la nature comme un corps étranger immergé dans un mode hostile; qu’il doit absolument maîtriser. Pour dépasser le cap biologique et social de la survie.
El Dénia, lui, donne une dimension à l'environnement beaucoup plus cosmique, ouverte sur l'exterieur que le mot "Biha" en arabe classique.
El dénia, un ensemble dynamique qui n'entoure pas les humains, mais les rend acteurs sur une scène à plusieurs étages d'existence. El dénia, c'est la vie en action, et comme on dit, "rahi douara"; elle change, elle tourne; aussi sûrement que la terre tourne autour du soleil.
L'environnement, lui, est quelque chose que l'on aspire à garder figé, qui se protège, se conserve ou bien en encore préserve une nature qui devient coupable dès lors qu"elle se met à changer. Un ordre établi qui n'a pas de raison de changer pour certains nostalgiques d'un temps où l'environnement et l'écologie étaient des sujets qui concernaient politiques, scientifiques et militants.
La vie, elle, el dénia, on ne lutte pas contre ses changements. on s'y adapte, on accepte qu'elle puisse évoluer. Et, de plus, l'on sait, en Algérie, que son évolution est loin de dépendre de forces humaines, bien loin de là...
Définir l'environnement Algérien
Avec des concepts algériens compatibles avec la nature algérienne; non pour se demarquer du reste du monde, mais plutôt pour lui offrir le meilleur de l'Algérie et des Algériens, un peuple capable de concervoir tout ce qui l'entoure et l'influence dans plusieurs langues; et parfois même simultanément...
Vaste sujet, auquel j'invite de vrais experts algériens à se pencher. J'ai voulu juste ici poser quelque bases et mettre ma réflexion à l'épreuve de l'intelligence de mes lectrices et lecteurs qui, je le sais, pour beaucoup ne sont pas nés de la dernière pluie quand il s'agit d'Algérie ou bien d'environnement.
Critique locale positive de l'éxotique; pour une contribution endémique à un projet universel...
Voilà pourquoi, quand on vous parle de « réchauffement climatique » de « changements du climat » ce n’est pas tout à fait pareil. Ce qui rend fragile l’écologie en Algérie, c’est que nous n’avons pas, apparemment, développée de véritable pensée environnementale moderne. Celle qui doit inclure la machine, le monde virtuel et les nouvelles donnes écologiques de notre système de consommation et de production -à l’occasion- nationales. Nous devons nous pencher sur les mots du capitalisme vert avec toutes les armes de notre côté.
Pour cela, il faut une connaissance de la nature algérienne, ainsi qu’une étude approfondie de ces concepts étrangers, sous l’œil d’une critique endémique, certes, mais positive car capable encore d’assimiler le meilleur des autres pour conserver le meilleur de soi-même. Comprendre d’où l’on vient pour savoir où l’on va...
C’est ce que je tenterais de faire dans un prochain billet corollaire à cette longue introduction...
"L'écologie des mots " #2 - Nouara Algérie (Environnement et Ecologie)
L'Algérie c'est aussi un environnement linguistique... Douari des temps modernes (pourquoi il faut toujours créer des cercles là où d'autres ne jurent que par des triangles) Si j'ai tardé à r...
http://www.nouara-algerie.com/2015/09/l-ecologie-du-langage-2-3.html