"Homme-nature..." Ou, les temps de la symbiose... (3/3)
La fourmi est humaine
A présent, j’oserais opposer à tout ce qui voudrait me désolidariser de la nature, cette modeste réflexion ; non à fin de sentence, mais vraiment avec la sincère intention d’obtenir une réponse sans l’ombre d’un doute, à cette question si peu farfelue : en quoi la nature profonde de l’être humain le rendrait-il si totalement différent d’une fourmi ? Et s’il était prouvé que ce n’est pas totalement le cas ? Ne pourrait-on pas considérer de ce fait que ce nous considérons comme humain existe aussi dans la nature ?
Un insecte social dont l’ancêtre le plus ancien, à notre connaissance, s’avère être une espèce de guêpe solitaire qui aurait choisi de couper un jour ses ailes pour se déplacer horizontalement. Un peu comme nos présumés ancêtres primates décidèrent d’abandonner la cime de leurs arbres pour se dresser verticalement dans la savane.
La fourmi, ou plus précisément les 13000 espèces répertoriées que qualifie ce mot, construit autant que l’homme moderne. Un peu partout à travers le monde, ce sont des édifices et des réseaux routiers dont l’ampleur est pharaonique, dès lors qu’on la convertie à notre échelle humaine. Ne pratique-t-elle pas également l’agriculture des champignons, l’élevage des pucerons, la conquête en batailles rangées du territoire d’autres espèces, la production industrielle de produits chimiques ?
Une organisation sociale qui est à des biens des égards aussi sophistiquée que celles de nos sociétés de l’information ? Le langage des fourmis joue depuis dans leur monde le même rôle qu’internet, en reliant l’ensemble de la fourmilière comme à un vaste réseau social indispensable au bon fonctionnement du foyer commun. Et cela depuis des millénaires...quand nous en sommes encore qu’aux balbutiements des réseaux sociaux virtuels...
La fourmi transforme largement la morphologie des milieux qu’elle colonise. De toutes les espèces vivantes, c’est elle qui consomme par exemple le plus de couverture forestière à travers le globe terrestre. Le « paysage fourmi » n’est pas une vue de l’esprit, c’est une bien réalité que le plus distrait des promeneurs ne saurait ignorer en s’immergeant dans l’univers de la nature. D’’autant que cette espèce représente pas moins de trente pour cent du poids global d’insectes évoluant sur Terre, et que sa biomasse totale équivaut largement à celle de la population humaine mondiale. Qu’est-ce qui rend la fourmi si différente de notre condition humaine ? Ou, plus justement, qu’est-ce qui nous éloigne tant de sa nature « naturelle » ?
Son économie, n'est pas toujours soutenable pour nos cultures et nos élevages. Quelques espèces de fourmis se sont totalement acclimatées au milieu humain, tandis qu'il existe des colonies entières de fourmis là où la présence humaine demeure encore anecdotique; faute d'avoir développé une stratégie ainsi que des capacités d'adaption dans ces milieux hautement hostiles.
La fourmi, si elle ne maîrtise pas l'atome, est capable cependant de resister aux radiations nucléaires; de même elle peut modifier ses gènes à l'échelle d'une génération pour produire des catégories de morphologies spécifiques toujours plus efficaces et utiles à son développement. Humainement parlant, la civilisation fourmi est une réalité qui en fait une espèce presque aussi évoluée que la notre dans bien des domaines ; selon des critères purement humains...parfois plus...
Etre humain
D’autant que, si il y a une particularité que nous ne devrions envier aux fourmis, c’est bien une vertu que beaucoup imaginent propre à notre espèce. En effet, là où les êtres humains -ainsi que certaines autres espèces animales très évoluées- sont capables d’éprouver parfois de la compassion, à l’égard de leurs congénères ou d’individus d’autres espèces vivantes , la fourmi, elle, pratique naturellement l’altruisme avec tous les membre de sa famille.
Aucune autre espèce vivante ne dispose d’un estomac conçu pour thésauriser de la nourriture à l’intention exclusive d’un autre membre adulte de sa fratrie. Chez les fourmis, ce sont les ouvrières et les guerrières les plus anciennes qui prennent systématiquement le risque de sortir hors de la fourmilière afin de nourrir la frange la plus juvénile de cette communauté familiale. La vieillesse, ainsi que la retraite sont des concepts qui n’existent pas dans leur monde. La reine n’est pas le chef, mais une matrice pondeuse capable de réguler son rythme en fonction des ressources naturelles à disposition de son milieu environnant. Chaque individu est à la fois la particule et l’ensemble qui la contient. Les fourmis, à bien des égards, sont les Alphas du « Microcosmes », comme « nous » prétendons être devenus enfin les maîtres de tout un écosystème planétaire.
Mais, de même que la reine des fourmis n’est pas la chef, le lambda humain, même en démocratie, n’est jamais souverain. « Nous », j’aimerais le préciser, pour moi ce n’est pas forcement vous et moi. Ce « nous » ressemble au « je suis » qui a tant défrayé la chronique récemment. Ce « nous » n’est pas humain ; c’est un système devenu environnement avec lequel, personnellement je n’éprouve aucune empathie...
Moi je me sens bien plus proche de la fourmi, dans ce qu’elle de plus humain, que de ce « nous » que l’on flagelle sur toutes les places publiques avec l’argent de ceux qui l’ont vraiment inventé. Donc, si on admet après un tel exposé que, dans bien des cas, les fourmis sont plus humaines que nous ; dans le meilleur, comme dans le pire, pourquoi ne reconnaitrions pas que l’humain et la nature ne sont pas antinomiques? Si ce que nous incluons comme faisant partie de la nature nous ressemble à ce point, alors c’est peut-être que nous en faisons également partie ? La fourmi est humaine ; et cela bien au-dessus des considérations véhiculées dans la Fable de la Fontaine qui la concerne...
De la même argile au même ciment
Souvent, en écologie, on nous bassine avec le débat qui oppose ou devrait opposer créationnistes et évolutionnistes ; dès que la question de la nature originelle de l’homme est abordée par la science ; avec le consentement ou non des conceptions religieuses contemporaines qui prédominent parmi la communauté informelle des milliards de croyants sur terre.
Pourtant, le fait qu’Adam ait été modelé dans de l’argile semblerait confirmer le postulat de Darwin. Puisque l’on sait que l’origine moléculaire de la vie sur terre a largement émergé de cette substance à la fois solide et humide, comme le corps humain. Donc, si nous en sommes faits, même symboliquement, c’est sûrement que cet Adam originel des créationnistes est de la même essence qui donna vie à tous les autres espèces vivantes qui l’entourent et peuplent avec lui la planète Terre. La notion d’ancêtre commun à toute la Création vivante n’est peut-être si pas contradictoire aux croyances religieuses les plus répandues sur le globe.
Réconcilier de vieux partenaires
A partir du moment où l’on oublie de séparer l’homme de la nature, et de reconsidérer cette dernière comme étant l’ensemble qui le contient, elle n’est plus seulement une ressource dont il peut disposer à son entière guise. Alors la formule d’une symbiose entre le milieu humain, urbain ou rural ainsi que la nature ne devient non plus uniquement utopique, mais une nécessité vitale...
La nature est au fond un concept très citadin, si l’on s’en réfère à son histoire purement sémantique. Avant d’inventer la Cité, ce que nous nommons à présent nature, était tout simplement l’environnement naturel de l’être humain. Mais à présent, que nos sociétés modernes semblent nous avoir définitivement extirpés de sa seule influence, ce terme définit surtout ce qui n’est pas humain. Pourtant, rien n’est plus une invention humaine que le concept de nature, et encore plus quand on la qualifie de sauvage. Du moins c’est ce qui me semble, à force de me pencher sur la question.
L’Arbre de vie
Bien-sûr, je ne saurais prétendre à aucune vérité scientifique en exprimant le fruit de ma pensée sûrement imparfaite parce que si peu académique dans sa construction. Je ne sors d’aucune autre université d’Ecologie que celle des chaires de fortunes où un vieux berger de l’est algérien m’a enseigné la nature jusqu’à mon adolescence. Observer son entourage, non comme un borgne parmi les aveugles, mais avec les deux yeux grands ouverts. Celui de la raison, mais aussi le regard du cœur. Le monde que j’ai appris en la compagnie de ce vieux héros algérien qui a l’ultime légitimité de ceux qui n’ont pas demandés de l’être, c’est celui où nous faisons tous et toutes partie de la même nature mère ; où nous sommes surtout responsables de son maintien en vie que de son extinction de masse.
Prenons à présent le cas d’un autre élément de la nature qui me parait des plus humains dans ce que j’envisage de plus honorable pour notre espèce. L’Arbre produit de la vie, même quand il génère de la mort. Du bois, des fruits et des baies, de la sève, comme des feuilles. Il fournit habitats, matières et nourritures à nombres d’espèces aussi bien animales que végétales. Ses racines, son bois et ses feuillages morts, et bien d’autres éléments lui donnent une grande influence sur le monde minérale et microbiologique.
Là où il trône sur le sol, étendu en une vaste et majestueuse forêt, les nuages sont attroupés dans le ciel. Car il est l’ambassadeur de la Terre sur le Ciel. Ces vaisseaux de vapeur, couleur acier trempé, gorgés de pluies capables d’être aussi nourricières que meurtrières, c’est son armada de l’air contre les assauts terrestres du désert. C’est un des plus précieux services écologiques que l’Arbre offre à tous ses partenaires. La présence de l’eau et de sels minéraux, en parfaite suffisance avec les besoins du milieu où ils résident.
En échange, toutes ces formes de vies si éclectiques, que tout aurait pu opposer, collaborent au développement de cette espèce qui a fait de l’équilibre commun une économie d’existence personnelle. Une fois de plus, ce que nous qualifions de nature sauvage, pourrait être considéré comme la plus noble et sage manière d’être humain...
Un être nuisible par essence?
« Nous » voilà donc devenus telles les chenilles de la processionnaire, face à cet Arbre si humain. Un insecte capable de décimer une forêt de pins, pour peu que toutes les conditions de sa prolifération soient réunies dans son environnement. L’homme est-il devenu inhumain, à force de ressembler à la nature ? C’est plutôt le contraire...Ou plus précisément, parce qu’il n’est plus humain qu’il a perturbé la nature. Etre humain, pour moi, c’est être en symbiose avec la Terre...
Le rôle initial de cet insecte, par exemple, n’est pourtant pas nuisible ; il s’agit pour lui de réguler une forêt équilibrée. C’est plutôt le déséquilibre qui a provoqué sa prolifération qu’il faudrait veiller à éradiquer surtout. Un changement de température « contre nature » , une forêt mal entretenue ou sur-pâturée, la disparition d’un prédateur, une pauvreté génétique à cause de la monoculture forestière... Un maillon fort devenu ainsi faible ; notamment à réguler lui-même la prolifération de cet insecte qui devient ainsi trop puissant pour l'équilibre. C’est tout un monde qui s’effondre avec le déclin des arbres sous les mandibules de ces bébés vampires, destinés à devenir pourtant et plus tard de beaux papillons, si chers aux amoureux de la nature...
Il n’est donc pas question dans mon exposé, ni d’exterminer la chenille de la processionnaire, ni de se résigner à la disparition de nos forêts de pins noir. Je voudrais juste, plutôt, poursuivre mon argumentaire en prenant l’exemple d’une espèce prétendue « nuisible » pour suggérer une idée qui me tient à cœur et que je garde constamment à l’épreuve de mon esprit.
La nature de chaque chose
Tout d’abord, connaitre, accepter et respecter la nature de la chenille de la processionnaire. Sinon, comme moi, au triste spectacle de la forêt de pins noirs de Tikijda décimée par une « invasion » de cette espèce vorace , vous imaginerez tout d’abord que la solution la plus efficace à ce « péril » serait de l’éradiquer. En fait, c’est une perturbation bien plus écosystémique et profonde que cette prolifération annonce à celui qui considère que la nature et l’homme se confondent dans un même monde.
Cet insecte, au fond, nous a avertit du mauvais état de santé de la forêt où il a pu proliférer sans réelle difficulté environnementale. Et nous le rendons coupable de nuisance préméditée pour cela ?! C’est donc notre approche de la forêt qu’il faudrait peut-être corriger, puisque son sort dépend largement de volontés politiques ainsi que de réalités sociales souvent ignorantes de la vraie nature humaine, autant que du caractère profondément humain de bien des paysages que nous qualifions aveuglement de sauvages.
Plus tard, au contact de scientifiques algériens, je compris que ce qui avait provoqué la surpopulation de cet insecte était essentiellement dû à des choses que seul un être humain saurait corriger ; puisqu’il en est l’auteur. J’entends par là, un être humain qui aurait compris la symbiose qu’il doit établir avec cette forêt. Et non seulement de l’appréhender sous un angle écologique, sécuritaire, économique, politique ou même affectif.
C’est une symbiose oubliée entre l’homme et la forêt qui est à l’origine de cette perturbation et non la soit disant nature parasitaire d’un insecte qui n’a fait que jouer son rôle écologique en fonction des données environnementales, sympathiques ou non à son évolution dans l’espace et le temps....
Conclusion
Séparer l'être humain de la nature est une des plus dommageables hérésies intellectuelle véhiculée par le capitalisme impérialiste, dont la devise à la guerre est non seulement "diviser pour mieux régner" , mais aussi de fragmenter pour mieux dénaturer. Voilà pourquoi il faut redonner vie à" l'homme-nature" , un concept qui relie notre humanité à son milieu originel par une symbiose et non plus un système de compétitions stériles...
"Homme-nature..." Ou, les temps de la symbiose... (2/3) - Nouara Algérie (Environnement et Ecologie)
La nature et l'homme inventés Il faut redonner ses lettres de noblesse à l' "homme-nature " qui sommeille paisiblement en chacun d'entre nous. Car c'est ce qui doit renaitre des cendres de ce monde
http://www.nouara-algerie.com/2015/08/homme-nature-ou-les-temps-de-la-symbiose-2-3.html