Contribution provisoire de l'Algérie à la COP21 (analyse) #2
"Si pour les occidentaux, l’économie verte signifie une économie sobre en carbone, pour nous pays africains, il s’agit surtout de développement, de croissance, d’investissements, d’emplois, d’accès à l’eau, à la santé, à l’éducation et d’éradication de la pauvreté"
#2 Il n'y a pas encore de vision vraiment maghrébine du Climat dans le projet climatique Algérien...
Introduction:
En préambule au processus final des négociations de la COP21 de Paris, de nombreux pays ont été invités à communiquer leur contribution provisoire en matière d’adaptation et d’atténuation de leurs émissions nationales de gaz à effet de serre (GES). Qu’en est-il de l’Algérie ? Quelles sont ses ambitions affichées dans sa copie officielle ? Que penser également de sa posture, de l’état d’esprit dans lequel sa diplomatie semble s’être engagée ? Pouvons-nous en partager toutes les positionnements, ainsi que l’optimisme ?
Avant de s’attacher à répondre à de tels légitimes questionnements , j’aimerais prendre le temps de rappeler à ceux de mes lecteurs et lectrices qui l’ignorent encore pourquoi ce fameux indice GES est devenu si important en matière de négociations climatiques.
En effet, il semblerait que le CO2 (mais pas le seul) soit un des principaux éléments favorisant l’effet de serre. L’augmentation de son taux dans la composition de l’atmosphère a été décrétée par un organisme scientifique international (le GIEC) comme extrêmement périlleuse pour la « stabilité » du climat mondial. Car l’effet de serre en question provoquerait des « dérèglements » climatiques si la température globale de la planète venait à dépasser les 2 degrés d’ici 2020. Dans ce dérèglement, qui a été modélisé par les hyper calculateurs à la disposition d’un cercle très restreint de citoyens du monde, il apparait que non seulement les changements actuels du climat sont bien réels et durables, mais que le système économique mondial en est le principal accélérateur. À cause justement des énormes quantités d’émissions de gaz à effet de serre qu’il diffuse dans l’atmosphère depuis l’avènement de la révolution industrielle.
Tout un régime global, au sens littéral de « cadre », s’est développé autour de ce postulat scientifique. Tout un système de négociations, de processus politiques, de conceptions économiques, de gouvernances environnementales, et même de paradigmes philosophiques, ont émergés au fil de chacune des vingt dernières COP sur le Climat. A un tel point qu’il est possible de se demander si ces dernières ne sont pas surtout de formidables laboratoires de gouvernance mondiale, où l’aspect écologique aurait très peu de poids face à des prérogatives d’ordre géopolitiques et socio-économiques. Le Climat, il me semble, dans cette affaire fait office avant tout de radical commun, impossible à éluder politiquement pour aucun état-nation un tant soit peu soucieux de ménager son opinion publique.
Mais cette réflexion devra faire l’objet d’un article ultérieur pour être formulée plus en détail. Il est temps de revenir à notre sujet principal ; à savoir la valeur de la contribution provisoire algérienne dans ce régime climatique mondial.
Nous allons cette fois-ci, opérer de la manière suivante. Nous prendrons ensemble quelques extraits de ce document afin de les décortiquer plus en détail. Cet exercice se fera en respectant au possible l’ordre de lecture de ce texte. Ainsi, chacun d’entre vous, tout en partageant mes quelques remarques et interrogations les concernant, pourra se faire son propre avis sur les nombreux sujets et notions qu' il aborde ; dont la gouvernance climatique est en passe de devenir un thème global fondateur. Celui qui semble dessiner inexorablement les grandes lignes du décor de ce « nouvel équilibre mondial » tant annoncé médiatiquement par les politiques les plus impliqués dans le processus de la COP21.
1. Analyse et commentaires du "Préambule "
« L’Algérie, pays sévèrement affecté par la désertification, est, à l’instar des pays africains et d’autres pays de la rive sud de la Méditerranée, particulièrement vulnérable aux effets multiformes des changements climatiques qui menacent de compromettre son développement économique et social. »
Dès la première phrase de son préambule, ce texte indique, certes, avant tout le positionnement géographique de l’Algérie. Mais il suggère aussi sa place dans l’échiquier mondial des négociations climatiques. On peut dire que, par cette affirmation, la diplomatie algérienne définit d’entrée de jeu l’état d’esprit qui habitera cette contribution. Ce sera bien logiquement celle des pays « de la rive sud » dits « en voie de développement » ou « émergents ». Plus particulièrement, elle se situe au sein du groupe Afrique. Mais, habilement, il me semble, il sera également celui des pays sympathiques avec l’Europe du "développement durable" et de "la croissance verte" ; peut-être d’une éventuelle zone Europe –Méditerranée en fermentation...
Mais comme durant tout le déroulé du texte, elle confirmera ce qui pourrait lui faire obtenir une assistance internationale. Voici les criètres de la Convention cadre des nations unies sur les changements climatiques auquels l'Algérie fait surement référence dans sa contribution:
(Article 4-alinéa 8)
c) Les pays ayant des zones arides et semi-arides, des zones de forêts et des zones sujettes au dépérissement des forêts
d) Les pays ayant des zones sujettes à des catastrophes naturelles;
e) Les pays ayant des zones sujettes à la sÈcheresse et à la désertification;
h) Les pays dont l'Èconomie est fortement tributaire soit des revenus de la production, de la transformation et de l'exportation de combustibles fossiles et de produits apparentés à forte intensité énergétique, soit de la consommation desdits combustibles et produits.
On pourrait, au passage, déplorer que cette formule « d’autres pays de la rive sud de la Méditerranée » semble omettre, par une étrange pudeur, de nommer ces pays par un radical commun : le Maghreb.
Car, c’est bien le Maghreb qui est, dans son ensemble, « particulièrement vulnérable aux effets multiformes des changements climatiques ». Une région dont toutes les nations, à l’instar de l’Algérie, souffrent communément d’un manque croissant d’eau, d’autant qu’ils sont unanimement affectés par « la désertification ».
Le Maghreb climatique, sera donc d’emblée annoncé comme le grand absent de ce projet climatique algérien. A bien des égards, cette omission est à prendre comme une bien mauvaise nouvelle. Car elle déterminera en grande partie la vision algérienne dans cette affaire...
Puis, la suite du texte ne fait que rappeler la plupart des leit motiv des revendications des pays du Sud face à l’idée d’un éventuel Accord de Paris sur le Climat qui serait trop contraignant pour leur développement économique.
C'est accord doit être fondé sur le « principe de la responsabilité commune mais différentiée », ce qui est une formule typique du langage « climatique » onusien. Elle sous-entend que si chaque pays doit partager la responsabilité de ce dérèglement climatique global, le poids de ce fardeau devra dépendre de critères à la fois historiques et contemporains du développement économique de chacune de ces nations.
Ce cadre juridique de négociation devra donc tenir compte de leurs « circonstances spécifiques et des capacités respectives ». C’est-à-dire de leur niveau de développement, ainsi que les particularités géographiques et politiques de leurs territoires respectifs. La fameuse notion de « responsabilité historique » des pays du Nord, dans cette poussée d’émissions de gaz à effet de serre, est de ce fait annoncée en toile de fond. Elle sera d’ailleurs explicitement évoquée plus tard dans ce texte.
« Cette contribution provisoire concerne les deux piliers, d’égale importance, de la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques ; à savoir l’atténuation des émissions des gaz à effets de serre et l’adaptation aux effets des changements climatiques. »
Ici, l’Algérie rappelle subtilement que la notion d’adaptation a été prise en compte avec une évaluation encore plus juste lors de la précédente conférence de Lima. Depuis 2004, lors de la COP10 de Buenos Ares, cette conception fait école au sein régime climatique mondial. Cette prise en compte est essentielle pour les « pays en développement » comme l’Algérie. Car pendant longtemps, les pays développés ont voulu imposer surtout le concept d’atténuation, beaucoup plus restrictif pour les pays en développement (PED), et encore plus intolérable pour les pays émergents ; comme ceux de l'ancien groupe climatique "BASIC" (Brésil, Afrique du Sud, l’Inde et la Chine), dissolu il n'y a pas si longtemps.
« Deux piliers, d’égale importance », replace donc l’adaptation non plus comme une attitude fataliste, mais bien en tant qu’alternative pragmatique et incontournable pour de nombreux pays. Notre nation s’affiche donc dans la pure lignée climatique des pays du Sud. Mais tout en ne refusant pas le dialogue avec le Nord. Avec l’Europe, en particulier... et Paris...peut-être même plus encore...
Puis, ce texte fait une mise au point sur la « responsabilité historique » de l’Algérie, en matière de GES, qui n’est « nullement engagée ». Argument phare de l’ensemble des pays du Sud. Elle rappelle qu’elle est actuellement faible émettrice et suggère que, si son développement va en croissant, ses besoins en émissions de CO2 le seront aussi. Le message en filagramme parait ici clair comme de l’eau de roche : « nous avons besoin plus de votre aide et de votre compréhension que de subir vos contraintes ». Il s'adresse bien entendu aux bailleurs de fonds multilatérauxhabituels ainsi qu'aux pays qui ont lancé l'idée d'une gouvernance mondiale du climat.
Les « attentes légitimes de développement économique et social de sa population, et en particulier de sa jeunesse » (encore une formule type) , ne sont donc pas celles de l’état algérien. Mais bien celui d’une population dont il précise que la jeunesse est la plus « particulièrement » concernée. La jeunesse de l’Algérie, c’est pourtant sa population, presque dans son ensemble; plus que dans sa particularité. Pourquoi insister donc sur la jeunesse algérienne ? Eh bien peut-être parce que de nombreux programmes de financements internationaux, corollaires au défi du climat, sont axés sur la jeunesse. On ne peut seulement considérer que cette évocation s’adresse seulement aux jeunes algériens; comme pour leur montrer que la gouvernance algérienne est très alerte sur la qualité de leur sort.Combien sront-ils d'ailleurs à lire cette contribution? Le thème un tantinet racoleur des « générations futures » est une fois n'est pas coutume remis dans le panier fourre-tout des arguments de l'Algérie diplomatique...
La Convention sur le Climat prévoit,de même, que "les pays dévellopés doivent soutenir les pays qui rencontrent des préoccupations spécifiques -Art.48- dans leur stratégie pour tenter d'inclure les "mesures ripostes", destinées à leur permettre de faire face à une baisse de leurs revenus pétroliers, dans la notion d'adaptation" (Gouverner le Climat? p.273) Ce qui justifie pourquoi l'Algérie insiste sur sa vulnérabilité financière actuelle; à cause d'une baisse de revenus pétroliers. Un argument de plus pour récolter une aide internationale...décidement...
« La contribution provisoire de l’Algérie est donc soumise sous conditions de l’accès aux ressources financières extérieures nouvelles tant auprès de ses partenaires bilatéraux que multilatéraux ainsi que du transfert de technologies propres en des termes concessionnels et préférentiels et du renforcement de ses capacités techniques. »
Voici, en langage climatique conventionnel, le fond de la pensée de diplomatie algérienne peut-être enfin affirmé « clairement »; malgré ces tournures de style très techniques. Toute l’idée de ce projet semble être de solliciter des fonds ainsi qu’une aide étrangère. Parmi « ses partenaires bilatéraux » visés on peut citer les plus concernées par cet appel du pied : l’Europe en tant que bloc régional, mais aussi des pays européens comme la France, l’Allemagne, surtout, ainsi que toutes les nations européennes développées avec qui l'Algérie entretient des liens très étroits depûis toujours
Il y a bien entendu les Etats Unis qui restent pour l’instant, avec l’Europe, les plus gros bailleurs de fonds du régime climatique mondial. Ce sont d’ailleurs principalement ces deux entités géopolitiques qui ont mis en place le fameux fond vert (« ressources financières nouvelles ») dont l’Algérie sollicite l’« accès ». Il est question ici, éventuellement, de pas moins de 100 milliards de dollars annuels à partir de 2020. Une broutille, cependant, selon de nombreux experts ; au vu du nombre non négligeable des nations qui pourraient en bénéficier. On doit rappeler, d’u autre côté que, pour l’année 2009, le montants des transactions réalisées au sein de l’ETS (bourse carbone européenne) a largement dépassé ce montant qui tarde ici à être réuni. La guerre du Golfe, pour autre exemple, aura coûté paqs moins de mille milliards de dollars aux américains et aura causé de lourds dégats écologiques dont les répercussions ont été forcement climatiques et écosystémiquesn à l'échelle mondiale...
Qui sont ces partenaires multilatéraux évoqués dans cette phrase ? Ce sont principalement des institutions internationales dont l’ONU est régulièrement l’initiatrice ou bien l’inspiratrice ; encore plus l’instance coordinatrice. Ce sont les financeurs réguliers de l’Algérie en matière de développement durable et d’environnement. Mais, à vrai dire, la nuance entre bilatéral et multilatérale est très difficile à nuancer quand un pays comme la France est à la fois dans la communauté européenne, au conseil de sécurité de l’ONU ; d'autant un pays très volontaire à se positionner comme central dans une éventuelle communauté économique Europe Médittérannée.
Il est fort dommage que les mannes du passé n'aient pas servies à anticiper une situation qui rend la souveraineté de notre pays largement inféodée à des sciences qui lui sont étrangères. Il n'est donc pas inopportun de rappeler que l'Algérie, en tant que peuple, vivant aussi à l'étranger, autant que sur son propre territoire, regorge depuis longtemps de talents confirmés qui n'attendent que des financements nationaux pour faire avancer une technologie ainsi que des compétences en matière d'adaptation et d'atténuation climatiques.
Une fois de plus, un réseau multilatéral maghrébin dans le domaine scientifque et écologique aurait pû donner un poids climatique non négligeable à l'Algérie; qui a pris du retard sur ces voisins marocains et tunisiens dans bien des domaines du développement durable. Ces nations voisines et cousines ne semblent pas se projetter dans des ambitions démesurées; mais réalisent des avancées durables, au rythme d'objectifs pragmatiques atteints par des paliers réalistes, chaque année.
D’où l’intérêt d’insister sur « la conjoncture financière et économique particulièrement difficile que traverse l’Algérie, en raison de la baisse considérable des prix des hydrocarbures. » Cela impliquera, certes, pour ces partenaires étrangers , une certaine solidarité. Mais les informe aussi que l’Algérie n’est pas actuellement en posture de force pour négocier. Elle devra faire forcement certaines concessions pour avoir accès leur aide. En rappelant les limites de son économie rentière, elle peut ainsi suggérer qu’elle est dans une position qui la rend tout à fait perméable à des mesures de transitions vertes auxquelles elle n’avait pas besoin de penser en période de faste rentier...
Voici donc la première partie de cette contribution décortiquée dans les points qui m'ont parus essentiels à relever. Il en ressort surtout, en ce qui me concerne, qu’il n’y aura pas de sitôt de Maghreb du Climat. Alors que ce devrait être une priorité pour l’Algérie. Qu’elle pourrait renforcer ainsi son influence dans le régime climatique mondial en polarisant son action autour d’un cercle régional plus large, certes, mais aussi plus intime avec ses cultures ainsi que la nature de sa géographie. Enfin, on pourrait y déplorer le caractère très sollicitant qui émane de ce texte. A la limite d’un acte de mendicité...indigne d'un pays assez riche pour avoir régulièrement prêté et donné tant d'argent à la communauté internationale; un pays consommateur dont le développement économique orphelin d'un développement humain, a fait les beaux jours de bien des économies des ces pays qu'elles vient solliciter à présent...
N'est-ce pas la fable de la cigale et de la formi, appliquée à l'échelle de pays?
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Parmi les conclusions du rapport préliminaire qui n’est pas encore validé par l’Algérie, il convient de citer que les pays du Maghreb ont mis en place à des dates différentes, des programmes ambitieux pour le développement des énergies renouvelables, qu’il est nécessaire d’entreprendre de réformes réglementaires et institutionnelles pour le déploiement des énergies renouvelables au niveau national et régional. Le rapport cite que l’Algérie est bien avancée dans ce domaine, notamment après la mise en place des tarifs du rachat garantis. Le rapport a signalé également l’absence d’un processus intégré de planification régionale du Maghreb et l’harmonisation des programmes d’infrastructure d’électricité. Il cite que les interconnexions électriques entre la Tunisie, l’Algérie et le Maroc, sont dédiées pour la sécurité des systèmes et sont rarement utilisées pour les transactions entre les pays.