Douar des Temps modernes (pour une écologie locale dans un monde global) #1
INTRODUCTION:
Pourquoi, en 2015, doit-on plus que jamais aspirer à réinventer d’abord une écologie algérienne ? Et non de se contenter tout simplement d’introduire en Algérie l’écologie la plus universelle? Celle donc déjà répandue aux quatre coins du globe terrestre...
Développement durable, économie verte ou circulaire, libre à vous de passer par tel ou tel zigzag sémantique pour donner un synonyme à cette écologie mondiale ; appelez la chose comme bon vous semblera. Ce que je définirais ici par écologie n'est plus seulement une science, mais plutôt un réel régime; à la fois scientifique et politique ; qui s’inscrit dans une ligne économique bien définie. Un cadre idéologique, également, autant qu’il s’agit d’un ensemble bien ordonné de pratiques ainsi que de matières scientifiques.
Certains l’envisagent même comme une doxa sociale, ou bien, d’une manière beaucoup plus pragmatique, tel un environnement d’idées propice à instaurer un climat économique favorable aux bonnes affaires.
« Penser global, agir local », bien que la formule ait quelque peu prit la poussière dans les médias, à y regarder de plus près, elle parait encore fort pertinente à définir tout cela en quelque mots.
Cette écologie œuvre à faire école dans bien des régions Monde, comment ne pas s’en défier et ne pas en tirer aussi quelques avantages ? Le plus souvent elle est financée par des fonds de l’ONU ainsi qu’une myriade d’autres fondations affilées à quelques grandes ONG, institutions et organismes nationaux ou multinationaux. Ils font en quelque sorte la pluie et le beau temps dans le monde des idées et de la pratique « écolo » du monde entier. C’est aussi une véritable diplomatie écologique, dont la pierre angulaire est incontestablement devenu le débat climatique global ; du moins depuis ces vingt dernières années. Il a son langage propre, ses formules piéges aussi; et semble suivre une logique bien établie. Il s’agirait donc de définir précisément l’objet en question par le terme plus adéquat d’écologisme ou de régime politique vert.
Cette idéologie politique, qui place l’écologie au centre de tous ses débats, a largement été théorisée et appliquée par une intelligentsia européenne, puis américaine. Nous aurons l’occasion de revenir plus tard sur une brève mais néanmoins exhaustive revue de la chronologie de cette intime relation entre la science écologique et la sphère politique. Pour en dégager certes quelques pièges potentiels, mais aussi à des fins de nous éclaircir sur la part d’héritage qui revient à des pays comme l’Algérie, qui ont subi le joug du colonialisme européen. Car ils ont de ce fait servis de laboratoires d’études et d’observations à l’écologie qui fait à présent dogme dans une grande partie du monde occidental, au moins depuis la première révolution industrielle britannique.Autant que les traditions et pensées issues de nos pays alors colonisés auront inspiré bien des modernités des deux siécles occidentaux précédents.
Développement durable, économie verte, commerce équitable, ou bien encore capitalisme vert, il me semble au fond que la matrice idéologique et culturelle de cette affaire reste invariablement la même : mercantile, industrielle, technologique, si peu humaine au bout du compte.
La Science, en tant que matière totale, ne doit pas échapper à cette exigence du principe de précaution, du doute même. Sinon elle deviendrait pire qu’une religion ; c’est-à-dire une gnose totalitaire sans la moindre légitimité rationnelle ni spirituelle. Science sans conscience est cancer de l’âme, je ne peux m’empêcher de formuler ce qui devrait être le crédo d’une quête de la vérité épurée de toutes les pollutions émotionnelles et donc idéologiques que portent en eux bien des mots-clefs de cet écologisme occidental qui a tendance parfois à faire l’ange là où il est bête implacable.
Doit-on aspirer à s’en méfier, seulement pour la forme d’un discours nationaliste, ou bien réellement inspiré par un fond de patriotisme éclairé ? Il me parait important de relever une telle tendance chez cette écologie ; dans ce qu’elle a de moins innocente et bienveillante vis-à-vis de la souveraineté de chaque peuple sur sa destinée. L’objectif étant, non de renier tout exotisme en bloc, mais, au contraire, d’inscrire la société algérienne dans une modernité où la tradition n’est pas une entrave au changement, mais l’âme qui devrait habiter bien des aspirations contemporaines au développement durable de notre pays.
Un développement humain, avant toute chose, inscrit dans une durée trans-générationnelle ; non pas un dogme économique ou politique. L’être Algérien abordé dans son ensemble ainsi que ses individualités ; évoluant dans l’environnement le plus enrichissant possible. Au point qu’être Algérien devienne enfin une belle manière d’être citoyen du Monde; tout en demeurant l’héritier d’une culture ainsi que d’un territoire bien particuliers. Faune, flore, êtres humains, tout ce qui est Algérien a des droits naturels au bien-être, comme tout être ivant sur Terre. Il me semble que cette conviction n’est pas seulement une belle idée, mais la condition sine qua none d’une écologie algérienne développant un juste milieu entre son humanité et l’environnement qui l’entoure et l’influence. Il s'agit bien plus qu’une volonté de justice environnementale, seulement focalisée sur la nature de notre espèce, ou bien de notre Peuple. Il s'agit d'harmoniser nos responsabliltés différentes vis à vis dune même planète nous hébergeant.
Le développement durable auquel je ferais donc personnellement allusion n’est pas l’euphémisme d’un capitalisme vert, ni d’un bolchévisme grimé de la couleur des vastes printemps en fleurs. Je ne saurais adhérer à ce qui fait d'une partie de l'écologisme mondial, tout ce que je pense inutile à l'écologie de notre pays, de notre région maghrébine, aussi.
Il s’agirait juste de dégager de telles doctrines quelques de bases utiles et universelles de bien-vivre ensemble et de les insuffler dans la société algérienne contemporaine inspirés par des concepts tirés de notre tradition ancestrale ; mais aussi des recherches effectuées par des Algériens nés en Algérie ou bien à l’étranger.
Chercher là où chaque individu, humain ou non, trouverait sa place dans un ensemble capable d’inclure même la dissonance et les quarts de tons dans ses harmonies. Une Algérie qui assimile, et non qui s’intègre ; qui aura su réapprendre à tirer le meilleur, même du pire ; pour s’inventer une logique historique moderne, son Siècle intime. Et non plus se contenter de subir le sens de l’Histoire globale. Dans cette entreprise, qu’on veuille ou non l’admettre, le respect de l’environnement algérien, ainsi que la conscience de l’écologie « Algérie » jouent des rôles de premier ordre. Dans la construction d’une Algérie qui ne sera pas totalement nouvelle, mais dont la tradition aura été remise au jour de l’Epoque; c'est à dire du Siècle planétaire.
L’écologie que j’espère pour l’Algérie, mais aussi le reste du Maghreb, a pour sujet d’étude et d’objectif social un « Wassat », un Tawazoun si je devais m'exprimer dans une autre langue algérienne; faute de ne pas encore connaitre sa plus ancienne langue maternelle.
Plus qu’un milieu figé dans un équilibre théorisé et mathématique, c’est une aspiration à la fois matérielle et spiritelle au juste milieu. Pas le point central et immuable d’un ordre établi pour l’éternité, mais plutôt un centre de gravité qui s’adaptera à toutes les évolutions de la vie sur Terre.
Instaurer une « Dawla » écologique, ce qui revient à dire non un état écologique mais plutôt une alternance entre le monde du plus grand et celui plus humble en apparence dans la gouvernance d’un écosystème commun. Un « Douar », une économie circulaire ancestrale, pensée dans le contexte d’une « Agama » moderne. Une nature humaine et nation-peuple, un des piliers souvent trop peu évoqué de la quintessence algérienne. Il existe tant de mots dans toutes les langues étrangères devenues locales à notre pays ; qui pourraient nous induire vers une écologie à la fois universelle et originale, pour peu que nous les intégrions dans une vision contemporaine à l’avant-garde de l’écologie maghrébine; dans un esprit de collaboration avec le reste du monde, tant qu'il respectera la liberté d'être algérien.
C’est donc un postulat écologique, qui place une Algérie responsable au cœur d’un juste milieu local dont l’universalité serait acquise par une conscience objective de ses particularités. Mais aussi de leurs réelles utilités pour l’écologie des autres peuples avec qui nous partageons l’hospitalité de cette magnifique création qu’est la Terre. Mais c’est également une écologie qui aura du recul sur d’autres pratiques culturelles "endémiques" qui n’ont plus raison de persister au quotidien; car elles ne sont plus adéquates à nous inscrire dans la modernité algérienne.Elle sera tradition modernisé , mais pas traditionnalisme figé!
Qu’est-ce donc que la modernité, me direz-vous avec plus grande des justesses ; eh bien c’est un projet qui aspire à la même chose que tout être vivant dans l’Univers : évoluer pour durer. Vers des générations toujours plus conscientes et responsables que les précédentes ; donner à nos enfants toutes les conditions de nous dépasser dans le meilleur et non de rivaliser avec nous dans nos égarements de jeunesse...
Un monde création de la Divinité ou bien de la nature, de la biodiversité, du bio-hasard, libre à chacun d’estimer la chose dans la ou les dimensions qui ne jurent pas ou bien fond écho à ses croyances. Qu’elles soient personnelles ou encore identitaires, en ce qui me concerne là n’est pas vraiment la question pour aborder l’écologie algérienne. Pour ma part, je dirais que ce n’est pas un hasard si un des plus célèbres romans algériens s’intitule « Ce que le jour doit à la nuit... ». Au fameux postulat de Shakespeare, je pense souvent qu'un adepte de la Maana algérienne aurait choisi de répondre : « Etre et ne pas être...donc...Pourquoi se priver de l’ombre quand on sait ce que lui doit la lumière ? ».
Etre tout d’abord soi-même, intime, particulier ; puis se reconnaitre dans une communion ethnologique, une communauté ethnique, mais pas forcément un cercle communautaire. Je suis conscient que c’est mon parcours personnel ainsi que ma manière bien à moi d’être Djazaïri qui m’ont imposée probablement une telle flexibilité d'esprit. Disons qu’en ce qui me concerne, El Djazaïr est d’abord mon peuple, mon sang ; puisque l’Algérie m’habite bien plus que je ne l’ai habitée.
S’il est tout à fait envisageable d’inventer les frontières d’un pays de toute pièce, la nature fondamentale d’un peuple en communion depuis des siècles avec sa nature originelle est le fruit d’un environnement ancestral qu'aucun colonialisme passé ou moderne ne saurait totalement conditionner. Un peuple, au sens de terre, mais aussi de terreau culturel. Voilà pourquoi, notamment, l’écologie et l’environnement algérien sont des facteurs essentiels d’une économie algérienne à la fois sociale et performante ; ce qui ne veut pas dire socialiste ni encore moins purement libérale. Mais responsable ; le mot est lancé comme on pose une première pierre d’une maison qui serait un foyer commun.
Mon discours pourrait-il vraiment être fondé sur une approche à la fois philosophique, sociologique et pragmatique de l’écologie ? Une telle ambition sera-t-elle digne d’attention, parce qu’inspirée par un soin tout particulier à rester au possible objective ? S’agit-il bien d’un point de vue conscient de l’horizon algérien fragmenté en tant de petits poignards de Damoclès. Qui sifflent sous leur fil acéreé, vibrent et piquent bien des têtes ainsi de quotidiens algériens...
Comment ignorer également les aléas incontournables des conflits et délits d’influence entre le politique et l’économique en Algérie ? Que dire de la réalité sociale contemporaine qui est devenue l’environnement quotidien de millions d’Algériens? La société algérienne est-elle vraiment en mesure de produire une vision écologique capable de lui permettre de relever tous les défis environnementaux qui se sont imposés à notre pays, par la force d’un développement économique, social et environnementale si peu favorables au respect du vivant? Comment ne pas intégrer toutes ces mauvaises donnes dans la main de départ ?
Mais cela ne veut pas non plus dire que la partie est perdue d’avance. Elle s’avère juste terriblement serrée. Il faudra faire preuve de beaucoup d'astuce, de recul et de paragmatisme, mais aussi ne pas s'interdire de laiser libre cours aux idées les plus insolites.
Une écologie algérienne ? Est-il honnêtement possible de soutenir une telle pensée sans risquer d’entrainer finalement son auteur, ainsi que ses lecteurs, vers quelque disgracieuse utopie chauviniste ?
Peut-on surtout et encore se permettre un tel caprice pour l’Algérie ? Celle qui aspire à se libérer définitivement du faire-semblant afin de s’engager dans la voie salutaire de l’agir-vraiment ?
Le fond d’une telle question est certes loin d’être incongru, ni malveillant à poser de diverses manières que ce soit. Toutes ces interrogations ne peuvent que s’avérer bénéfiques à soulever. Elles doivent même être résolues d’emblée avant d’aller plus loin dans l’exposé du projet écologique algérien que j’aimerais soumettre à votre attention.
Il aspire tout simplement à démontrer quelles pourraient être les plus-values d’une écologie algérienne moderne et universelle sur une application scolastique de l’écologisme mondial en Algérie.
Cette voie est tout d’abord animée par l’obligation de produire « algérien », et non plus seulement de consommer « étranger » ; de se prémunir localement des éventuelles futilités assassines d’une écologie qui porte en elle aussi une idéologie qui n’a rien d’anecdotique. Mille et un voiles politiques séparent à présent l’écologie des écologues, celle aussi des amoureux de la nature, de l’écologisme des tribunes internationales et des prédicateurs de toute sorte. Toute une faune d’opportunistes qui œuvrent à faire de l’écologie un outil surtout de propagande économique et politique plutôt qu’une science de l’exact...
A suivre...
Mise à jour le 13/10/2106 19h40