Environnement en Algérie – « Une affaire d’écologie intime… » Par Karim Tedjani.
La jeunesse de Ait Smaïl (Bejaïa) en pleine action pour planter des arbres... (Photo: Tedjani K.)
Le respect de Environnement n’est pas une priorité pour la société algérienne. C’est le son de cloche le plus récurent qui raisonne dans la les oreilles de la plupart de ceux et de celles qui on prit le parti de penser autrement dans ce pays; mais aussi, et surtout , c'est ce qu'aimeraient nous ancrer dans la cervelle tous ceux qui tirent profit d'une telle tare supposée naturelle pour notre peuple.
Comment ne pas arriver à cette conclusion face au constat d’un total mépris, sur le terrain, de toutes les lois érigées dans ce pays pour veiller à l’intégrité de notre environnement ? L’Algérie est un des pays les plus prolixes en matière de législation environnementale. Mais c’est aussi un des plus complaisants face aux pires atteintes que l’on fait quotidiennement à la nature algérienne; au nom d’un développement qui n’a d'ailleurs de durable que sa définition dans la dernière loi environnementale en vigueur.
Il y a tant à dire sur bien des choses, quand il s’agit de faire le triste constat de la dégradation croissante de notre environnement national. La perspective de l’exploitation de nos réserves de gaz de schiste par la fracturation hydraulique ne laisse guère d’espoir de voir un jour l’Algérie oser voler de ses propres ailes, et non celles d’un Icare attiré par le soleil de l’industrie pétrolière; comme un moustique vers une flamme dans la nuit…
Prenons, si vous le voulez bien, le seul exemple de notre couverture végétale. Parce que c’est un des aspects de notre écologie parmi les plus influants sur tout le reste de notre écosystème national.
En effet, chaque jour, parait-il, on transforme 6 hectares de terres agricoles en terrains prêts à être bétonnés. Mais ce que la presse ne mentionne pas forcement, c’est combien d’hectares de forêts disparaissent quotidiennement pour devenir des terres arables! Pourtant, sans arbres, pas de pluie, vous diraient nos anciens qui étaient alors aussi "écolos" qu’un Pierre Rabhi, dont la France a fait son apôtre de l’écologie contemporaine. Plus d’un million d’hectares forestiers ont déjà été embrasés par la colère de nos anciens colonisateurs. A l’époque c’était le seul moyen en leur possession pour combattre un peuple qui devenait alors insaisissable dans le méandre opaque de ses luxuriantes forêts, que le Lion et la Panthère ont longtemps hantés…
Les incendies ? Ce n’est pas forcement une fatalité, voire même une phase bénéfique d’un cycle naturel,à bien des égards. Mais seulement quand leur déclenchement n’est pas à incomber aux négligences et incohérences de notre société dans ce domaine. Comment adhérer au fait que ce soit le Ministère de l’Agriculture, secteur le plus écocidaire pour nos forêts, qui chapote la Direction Générale des Forêts ? Comment accepter que ces espaces naturels soient devenus le terrain de jeu des pires trafics illicites. Que dire de ces océans de bouteilles en verre jonchés sur le sol; opèrent comme autant de loupes incendiaires ? Où sont passé nos gardes forestiers, symboles jadis de l’autorité, gardiens craints et respectés de notre patrimoine forestier?
Le pire à déplorer est à venir… Trop de projets d’entretien et de régénération des forêts algériennes sont accordés à de véritables amateurs qui n’ont de professionnels que leur habilité à optimiser leurs détournements des deniers publics attribués à cet effet. Parfois, comme à Guerbes (Skikda), ce sont les connivences entre les gardes forestiers et les saccageurs de forêts qui rendent toute lutte contre la déforestation inéfficiente…
J’aurais pu vous parler, dis-je, de pillage de sable, de génocide de notre biodiversité, de pollution de nos ressources aquifères, de l’air ambiant, de la malbouffe et de tant d’autres symptômes d’une terrible maladie : l’étiolement de la notion d’intérêt public au sein de tous les échelons de la société algérienne. Le faire semblant comme la stratégie la plus pragmatique pour survivre dans un système ivre de son pouvoir total et inaliénable sur la société algérienne. Mais, loi de la relativité oblige, il vous suffira, pour appréhender le reste, juste de transcrire ce cas d'école à tous les échelons des process mis en branle en matière de protection et de préservation de l'Environnement algérien. Une mascarde, le plus souvent; une affaire de gros sous, toujours...
Le citoyen lambda est devenu, en grande majorité, l’ennemi intime de ceux qui le gouvernent , et de ce fait de tout ce qui l’entoure et l'influence en dehors de sa sphère privée. Car il sait qu’aucune de lois qu’ils auront statuées pour lui ne les concernera vraiment. Qu’on lui apporte des poubelles pour faire de lui un parfait éco citoyen, tandis que la moindre paperasserie devient pour lui un véritable parcours kafkaïen, il s’empressera d’agir comme eux : il volera, détruira, voudra effacer toute trace de la démagogie qui l’oppresse. Lui aussi, il veut s’enrichir à tout prix, puisque c’est la maîtresse attitude à avoir pour « navigui » dans ce pays; car seul le crime paie,, au fond...
Tanpis pour l’environnement, tanpis pour les générations futures, tanpis pour la nature… Mais est-ce vraiment le bon calcul ? La fièvre de l’or noir, une fois passée, que restera-t-il pour continuer à avancer ? Un territoire gorgé de richesses plus naturelles que le pétrole ? Une jeunesse parée pour relever les défis d’un 21ème siècle qui sera celui de la transition écologique? Une biodiversité capable de subvenir à tous les besoins de bien-être du citoyen des temps modernes ?
Rien de tout cela …C’est à fort parier…Il restera le désert et pas une larme d’eau pour pleurer sur les sols jadis si fertiles de notre magnifique pays… Le désert qui s’installe chaque jour dans l’âme de tout un peuple aura raison de tout ce qui nous entoure et nous influence, de notre environnement intime et collectif.
Non, ce n’est pas avant tout la faute du citoyen si l’Algérie se meurt de tout ce qui la rendait si belle et agréable. Mais ce sera bientôt la sienne, s’il continue à se laisser aller aux travers d’un système qui n’a que faire de respecter l’environnement, et donc la santé publique des Algériennes et des Algériens.
D’autant que, quand il se fait le complice passif de la gabegie qui a fondu comme un rapace implacable sur la nature algérienne, il n’a, à vrai dire, même pas la légitimité de s’en plaindre. Car lui auusi, a pris sa part du butin.Voilà le postulat de ceux qui n’ont que faire de respecter l’écologie de la Maison commune à tout un peuple…
Pourtant, c’est bien de souveraineté nationale et d’économie au sens noble du terme qu’il s’agit ainsi de protéger, qu’on le veuille ou non. La condition la plus sine qua none pour s’engager sereinement dans l’ère de l’après rente pétrolière et gazière ! La seule, à vrai dire, qui n’est pas un faire semblant…
Heureusement, de plus en plus de gens dans ce pays réalisent l'ampleur du projet, se mobilisent tant bien que mal; parfois à contre courant de toute une société.Il faut leur rendre hommage et les encourager à agir autant sur le terrain que sur les mentalités. Leur mission est plus que noble, elle est vitale. C'est une vision qui va au delà du triste constat actuel , c'est notre salut...
Mais la bonne volonté ne suffira pas. Ce qu'il manque à l'Ecologie algérienne, au sens de mouvement citoyen, c'est avant tout une oreille sincère des autorités, des moyens financiers et encore plus une formation capable d'en faire plus que des "écolos", mais bien des acteurs pragmatiques et au fait des enjeux écologiques qui se jouent en Algérie.