« Environnement et économie verte en Algérie- Et si on parlait tout simplement d’Economie ? » Par Karim Tedjani.
Le dernier sommet de Rio a accouché d’un concept qui tarde à faire lui-même des petits à travers le monde : l’Economie verte. Dans la même lignée sémantique, une foule d’économies dites « solidaires », « raisonnées », « sociales » font régulièrement la une des grandes conférences nationales et internationales sur le sujet. Quelques soient les formulations, le message principal reste toujours le même : il faut produire une croissance durable en veillant à ce qu’elle soit au mieux soutenable, et pour l’environnement humain, et pour l’écologie planétaire.
Mais, si cette "mayonnaise verte" n’a pas vraiment prise dans bon nombre de pays, comme le notre, c’est peut-être à cause d’une indigestion. Toute cette « verdure » servie à toutes les sauces possibles et imaginables ne tente gère ceux que l’on a conditionné à devenir des consommateurs de masses de plus en plus gourmands, nombreux et carnivores.
Pour la plupart des nations étrangères qui résident en Algérie, les Algériens sont une part de marché avant d’être un peuple, voilà là où le bas blesse. Beaucoup trop de choses qui ne sont plus « écologiquement correctes » ailleurs, notamment dans leur pays d’origine, sont encore possibles chez nous. D’autant qu’en Algérie, pour nombre de ces acteurs industriels, il est courant de penser que le lobbying n’a besoin de se faire que par le haut …
Jadis, pour le nomade, la stratégie de survie la plus durable, c’était le mouvement. Pour les sédentaires, de surcroit industriels, que nous sommes devenus aujourd’hui, c’est le développement. La croissance continue devient un mot d’ordre immuable. Voilà ce qu’on semble vouloir nous faire oublier derrière tous ces beaux bouquets de fleurs tendus. C’est que la croissance continue, qu’elle soit un développement durable (par euphémisme) ou non, doit continuer de faire tourner ses pompes à pétrole ainsi que ses matrices de billets verts.
Tout le monde a pourtant bien assimilé le fait que l’environnemental, le social et l’économique sont des pôles indissociables d’une gestion durable de nos sociétés modernes. "Penser global, agissez local" est un adage mondialement connu et accepté par les adpetes du développement durable. Que penser alors de toutes ces appellations qui, au fond, ne paraissent rien apporter vraiment de nouveau à ce concept ?
Il a surtout été question de souligner quelques points déjà abordés par le développement durable. Notamment d'insister sur l'importance de la lutte contre les inégalités à travers le monde. Peut-être aussi de clore le débat, justifié, à propos de la défaillance quasi insidieuse d’une telle alliance de mot. Elle est en effet fort peu légitime dans le contexte d’une Terre physiquement finie. Les mots, si l’on ne doit jamais les condamner, ne sont que très rarement innocents. Ils influencent nos idées. Jouer sur les mots, c’est jouer également avec le meilleur outil de la pensée. En fait, en associant économie et environnement, il a été surtout question de faire de l'écologie un business où tous les services écologiques qu'une nature saine peut nous fournir grâcieusement ont un prix, néscessitent de complexes technologies.
Les "masses" ne sont pas toujours aussi dupes que certains grands communicants voudraient le leur faire croire. Personne au fond, dans son fort quotidien de consommateur totalement dépendant de l’industrie mondiale, ne croit qu’il est encore possible de faire pousser du gazon sur du goudron ! L'essence même de la problèmatqiue n'est pas remise en question par ce concept un peu trop générique d'un dévelppoment durable qui n'a pas vraiment encore fait ses preuves.
C’est un peu comme croire qu’un commerce peut être équitable alors que le fondement même du commerce moderne, c’est la plus value. Un commerce éthique ? Espérons-le… Equitable ? Jamais, ou sinon ce n’est pas de commerce qu’il s’agit mais d’échange d’intérêts communs, de bonne volonté sociale, de générosité publique.
On fait rarement du nouveau avec de l’ancien, surtout sans le revisiter avec l’esprit de la modernité. Il me parait important de s’interroger sur la légitimité de l’adjectif « verte » comme garant d’une économie plus responsable au regard de l’écologie et du bien-vivre -en commun.
Pourquoi ? Eh bien tout simplement parce que, toujours par soucis du juste sens des mots, on pourrait se rappeler que l’économie est un terme qui devrait englober tous les aspects de nos sociétés industrielles; et non être simplement associé à l'environnement ou le social comme un secteur complémentaire.
Economie, a pour étymologie un terme grec, oikonomía qui peut signifier « administration de la maison » ou bien encore « la gestion du foyer ». Certains comme Socrate ont tenu à ajouter la condition que cette gestion se doit forcément d'être « bonne » au regard de l’Ethique. Ici la maison, le foyer représentent des espaces de vie communs impliquant un intérêt commun incontournable : bien vivre ensemble.
De nos jours, il n’est plus question que d’intérêts commun, mais en commun . Dès la mise en branle des premiers empires coloniaux modernes , le commerce a pris le pas sur tous les autres champs habituels de l’Economie, au sens noble du terme. Avec la révolution industrielle , qui a boulversés tous les modes de fonctionnements sociétales ainsi que les environnements , le business a réussi à se substituer totalement dans l'esprit des gens à l'économie.
La Maison, à laquelle fait référence l’Economie de nos antiques ancêtres n’est plus un foyer , une patrie, un continent, une planète communs à tous des êtres vivants, mais plutôt une boutique privée qu’un happy few d’initiés administre comme un vulgaire supermarché. Un monde égoïste à mille lieux de toute solidarité mondiale vraiment sincère…
Voilà l’économie dont il faudrait remettre les bases en question ; ne pas faire semblant de réunir, quand au fond on divise. Discossier l'économie de l'environnement ou du social même pour souligner une interconnection entre eux , c'est nous faire oublier qu'elle en est le véritable ensemble commun. La maison, le foyer, c’est d’abord un environnement et des êtres vivants qui y évoluent en société primitive ou non . L'Economie est la science par excellence qui forge l'environnement humain et non un simple secteur d'activités commerciales entre particuliers ou nations. Aucune économie ne peut s'affranchir d'être influencée par l'environnement et la culture fondée par les peuples qui y évoluent à travers les âges.
En ce qui concerne ce début de 21 ème sicècle, d'un côté une misère qui gagne du terrain à travers le monde et touche même à présent les classes moyennes des pays développés. De l’autre une minorité qui resserre de plus en plus ses rangs, à mesure qu’elle s’enrichit outrageusement en appauvrissant les populations et la biodiversité mondiales. Cette amplitude des classes, qui s’accentue chaque année un peu plus entre les riches et les pauvres de ce monde, provoque de graves crises sociales et environnementales. Elles ont, comme origine primordiale, pour la plupart du temps, la cupidité gargantuesque de quelques égoïstes de l’ombre rendus tristement notoires par leurs dérives spécualtives aux impacts tellement énormes que même la presse la plus concilante n'arrive plus à masquer.
S’enrichir à tout prix, on pourrait ainsi résumer l'éta d'esprit global de l'économie en ces temps de sauvageries "modernes". Une vertigineuse pyramide de Ponzi , une redoutable chaine alimentaire, une jungle sans autre régulation que sa propre loi, où les pires prédateurs ont toujours le dernier mot ; même quand il s’agit d’intérêts publics. Voilà ce qui l’en est de l’actuelle éthique de l’économie mondiale moderne. Un monde de l’instant, rendant le gain nécessairement instantané tant l’information y circule à la vitesse de la micro seconde . Un monde d’énergies fossiles dont le développement se nourrit d’un gaspillage organisé appelé croissance continue. Un système condamné dès son avènement à ne plus un jour se renouveler faute de carburants.
Pour que l’Economie mondiale soit vraiment nouvelle, c’est-à-dire en accord avec sa définition antique, il faudrait certes qu’elle soit solidaire, consciente des enjeux écologiques de ce début de millénaire et, qu’elle veille à redistribuer équitablement les richesses à travers le monde. Mais il faudra aussi qu’elle se base sur une énergie propre, disponible partout et surtout le plus renouvelable possible. Cette économie doit faire le contraire de ce qui est la tendance actuelle en Algérie : produire mieux, consommer moins, fabriquer local, importer les savoir-faire plutôt que les services venus d’ailleurs, lutter contre les inégalités sociales , préférer la mise en valeur de la matière grise nationale à celle des matières premières.
C’est globalement, d’ailleurs, ce qu’a proposé au monde entier lors du dernier sommet de Rio+20; mais dans la forme plus que dans le fond. Depuis, rien n’a vraiment changé et l’économie verte reste une idée en suspens qui n’a pas vraiment été assimilée par les nations de ce monde.
La preuve, chez nous, alors que le développement durable est reconnu par la loi de notre pays, on va extraire du gaz et du pétrole de schiste en gaspillant des tonnes considérable d’une eau plus précieuse et rare que les ressources d’énergies non conventionnelles que l’on va puiser à grand coup de fraction hydraulique horizontale.Surtout dans une Algérie menacée par le stress hydrique. On prend le parti de produire plus d’énergie au lieu de mieux la consommer. On oublie que le pays dispose d’un fort potentiel solaire pour soutenir ses effort de mutation économique vers un modèle plus soutenable pour l'environnement.
Pire, on est prêt à faire encourir les pires risques à l’environnement ainsi que la santé publique au nom d'une rente qui a plongé toute la société algéirnne dans une confortable léthargie loiin d'être durable. Tout cela pourquoi? Pour du fric; autant appeler un chat un chat.
D’économie brune, voilà de quoi il sera apparemment question encore pour quelques décennies en Algérie, et cela en grande partie avec la complicité de pays comme la France si prompts à nous vanter les mérites de cette économie verte d'obédiance si onusienne. On exploitera le même gaz de schiste que l'on s'est interdit d'extraire sur son propore territoire et ce, par principe de précaution écologique. Comment ainsi montrer l'exemple? Comment croire aux beaux discours sur l'égalité des peuples? Au yeux des grands pontes du libéralisme économique mondial, la biodiversité ainsi que les populations du désert algérien ont-elles ainsi vraiment la même valeur que celles de l'Héxagone français, par exemple?
Tant qu'on la réduira à une simple entreprise de commerce, l'Economie pourra toujours se traversir de tous les bons sentiments écologiques et sociaux , au final, elle aura toujours la même couleur: celle de la cupidité…