Le Nouvel Observateur :" Viande : goûtez la différence"
Revue de Web internationale.
Usines à bétail ou élevage traditionnel?
Viande : goûtez la différence
D'un mal pourrait naître un bien. Ebranlé par le scandale de la vache folle, le consommateur a redécouvert les vertus de la qualité. Encore faut-il savoir la reconnaître. Et pouvoir se la payer...
Les Français dormaient la conscience et l'estomac tranquilles, assoupis dans les certitudes de leur supériorité culinaire, dans des rêves de ruralité immuable, confortés par la diversité et la richesse de leurs terroirs, en un mot plongés comme les bufs blancs de Leconte de Lisle dans «le songe intérieur quils nachèvent jamais» Entrecôte bordelaise, poularde demi-deuil, canard, gigot, cochon, oie, poulet Plus dur fut le réveil.
Prenez l'oeuf. On croyait connaître. Quand on tombe sur le règlement communautaire du 26 juin 1990 qui définit les modes d'élevage des poules pondeuses, on est moins sûr... «ufs de poules élevées en libre parcours», «ufs de poules élevées en plein air», «oeufs de poules élevées au sol», «oeufs de poules élevées sur perchoir» Comment font-elles pour s'y retrouver?
Et les veaux, donc. On restait naïvement avec lidée que la vache nourrit son petit avec son lait C'est encore vrai. Mais pour à peine 10% des veaux. Les vertes campagnes cachaient de redoutables industries, assez peu regardantes sur les méthodes de production et délevage. Qualité, goût, saveurs, respect de lanimal ou du produit ne sont pas vraiment les préoccupations premières des usines à bouffe. Vache folle, dioxine et autres joyeusetés ont remis au goût du jour la sécurité alimentaire. Mais nen déplaise aux amateurs de fromages pasteurisés, hygiène et sécurité alimentaires sont le minimum quun consommateur peut exiger dun professionnel de lalimentation. Elles nont jamais constitué lexcellence gustative dun produit. La blonde dAquitaine, le charolais, le poulet de Bresse ou lagneau de Pauillac nont pas bâti leur réputation sur le fait que lon ne tombe pas malade après les avoir savourés.
Légèrement secoué et considérant avec quelque suspicion le contenu de son assiette, le consommateur a redécouvert les vertus de la qualité. Encore faut-il savoir la reconnaître. Et pouvoir se la payer. Le parcours du consommateur est en partie fléché. Depuis ladoption de la loi du 3 janvier 1994, il existe en France quatre signes didentification de la qualité et de lorigine. Lappellation dorigine contrôlée, créée en 1919 pour les vins, a été étendue en 1990 à lensemble des produits agricoles et des denrées alimentaires. Dans les viandes, seuls le taureau de Camargue et le poulet de Bresse bénéficient de lAOC; le label agricole, créé en 1960, qui comprend le label national, le fameux label rouge, et les labels régionaux. Le premier label rouge a été attribué en 1965 à un poulet des Landes; la mention «agriculture biologique», reconnue officiellement en 1980; la certification de conformité, mise en place en 1990.
Lobtention de ces signes didentification se traduit, pour le consommateur, par lutilisation sur létiquetage du produit dun vocabulaire réservé (buf de Chalosse, veau élevé sous la mère, poulet de Saint-Sever) et dun logo (label rouge, etc.) ou de mentions certifiées (animaux nourris à base de fourrages produits à la ferme). Que garantit le label rouge? le produit est censé être de qualité supérieure. Par exemple pour le buf, la race et lorigine sont garanties. Lélevage est de type traditionnel sur pâturage, lalimentation, à base dherbe les trois quarts de lannée et de fourrages à létable. Le cahier des charges fixe aussi un âge minimum dabattage: 28 mois pour les génisses, 30 mois pour les bufs.
Mais le label ne dispense pas lamateur de se doter des connaissances de base qui lui permettront de se procurer de la viande dexcellente qualité. Dans leur très grande majorité, les bouchers se fournissent dans les races de vaches dites allaitantes, par opposition aux races laitières. La viande de la femelle est de meilleure qualité. Plus fine, plus persillée, plus goûteuse. La plupart des bouchers installés dans les villes achètent des carcasses. Mais environ 15% dentre eux, principalement des ruraux, sont très attachés à lachat sur pied danimaux quils font abattre. Hugues Burgalières, boucher à Limoges, est allé plus loin dans une logique de contrôle de son approvisionnement, donc de la qualité des viandes quil commercialise. Avec une trentaine déleveurs, il a constitué un groupement dintérêt économique (GIE), lequel lui fournit des bêtes, de la génisse jusquà la jeune vache allaitante de réforme: «Le premier avantage, cest bien sûr de connaître léleveur. On a défini un cahier des charges supérieur à celui du label rouge.»
La finition de lanimal est primordiale pour la qualité. Les limousines poussent aux champs, à lherbe et au fourrage. Puis, trois à quatre mois avant labattoir, elles sont engraissées en étable aux céréales, en raisonnant les rations. Lensilage nest pas utilisé. Le but est dobtenir du persillé, ce gras finement réparti qui, au bout de 12 à 20 jours de chambre froide, va rancir et donner du goût à la viande. Hugues Burgalières nen démord pas: avant même la race, cest lalimentation qui fait la qualité. Une laitière peut donner une viande aussi bonne quune limousine si elle nest pas élevée dans un système industriel. Aujourdhui on est arrivé aux deux extrêmes, constate cet artisan: «La pire médiocrité dun côté, le top de la qualité de lautre.» Génétiquement les vaches nont pas régressé, au contraire. Les éleveurs travaillent mieux. «On a intérêt a encourager les gens qui font de la qualité. Ce nest pas forcément ceux qui sont entrés dans labels.» De fait, dans les labels comme dans tout, certains travaillent mieux que dautres.
La qualité, dailleurs, peut aussi se passer de label, comme les volailles de Paul et Marie-Noëlle Renault. Installés depuis une vingtaine dannées sur 30 hectares à Louvigné-de-Bais, près de Vitré, les Renault élèvent volailles, pigeonneaux, poulets, canards, chapons, avec une philosophie simple: «On a simplement repris ce qui se faisait depuis très longtemps, on a remis les animaux dans leur élément naturel.» Les poulets vivent en bandes de 500, en liberté, dans des parcs herbeux. A côté du poulet noir à cou nu, ils ont réintroduit le coucou de Rennes - une race ancienne, très présente dans les basses-cours jusque dans les années 60. «Le coucou, on ne le tue pas avant 130 jours; ici cétait le poulet de grand-mère.»
Pour les canards, le couple a creusé des mares. Les volailles sont nourries avec des céréales cultivées sur la ferme, sans fongicides ni désherbants. En complément, elles reçoivent des protéines végétales, du soja. On est loin du poulet dit «ordinaire» (comprendre «industriel»), qui a six semaines pour profiter du hangar et des copains, des farines de viande, des antibiotiques et des anxiolytiques, découvrir la campagne jusquà labattoir et, pour finir, le sourire de la caissière. Dans le domaine du poulet «ordinaire», les éleveurs ne comptent pas leur gain en poulets vendus, mais au mètre carré, comme dans limmobilier. Surprenant, non? pour de lélevage qualifié de «hors-sol»...
Les Renault élèvent des volailles dune qualité supérieure à celles qui bénéficient du label rouge, mais paradoxalement ils ne pourraient pas lobtenir. «Comme on a choisi de laisser vieillir les volailles, on nentrerait pas dans les normes», constate Paul, sans regrets apparents. Un poulet label rouge est tué à 90jours. Les leurs, entre 100 et 110 jours. Les Renault sont néanmoins contrôlés: «Le service des fraudes a le droit de vérifier que les poulets sont biens élevés chez moi. Enfin, à mon avis, le contrôle le plus important, cest celui du consommateur.» Ils ont commencé à vendre leurs volailles sur le marché des Lices, à Rennes, et nont pas tardé à être remarqués par quelques grands chefs, comme Gagnaire, Rllinger. «La qualité, cest tout sauf ce qui est production industrielle. Il faut lexpliquer, remarque Paul Renault. Quand on me dit que le canard est gras, je réponds quil vit dehors, et que sa façon à lui de se protéger cest de faire du gras.» Des clients, dabord surpris, reviennent. Les os des poulets sont durs, la viande se tient; en cuisant, la graisse du poulet élevé à son rythme fait de la gelée. A 41 francs le kilo, un poulet de chez Renault se vend entre 60 et 80 francs la pièce. Cher, bien sûr, pour une grande partie de la population. Paul Renault, proche de la Confédération paysanne, est le premier à le déplorer: «Mon idée na jamais été de faire de la bouffe de luxe. Quand jétais gamin, ce poulet nétait pas un plat de luxe. Aujourdhui, ça lest devenu.»
Jean-Jacques Chiquelin
Le Nouvel Observateur
"Quand j'étais petit, ma mère se faisait une fierté de dire : "Chez moi on mange de la viande tous les jours". C'était les années 80, en France tout le monde pensait comme elle....
La viande était devenue bon marché et personne ne s'en privait .
Aujourd'hui dans ce pays , le bilan de ce "boom carnassier" semble lourd: les animaux, puis à long terme notre santé en ont largement pâtit. Obésité, élévage ressemblant à de véritables camps de concentrations, épidémies , impacts sur la couche d'ozone, ect...
Il existe bien de la viande de qualité, produite par un élévage traditionnel mais son prix est devenu trés élévé.
En Algérie on mange beaucoup moins de viande. Est-ce vraiment un mal?Il suffit de goûter la délicieuse viande algérienne pour être convaincu: mangeons peu, mais bien de la viande....
Dans la tradition et la principale religion des algériens , tuer un animal est un rite qui à mon sens ne peu être commis à la chaine.La notion de "HALLAL" devrait aussi à mon trés humble avis être associé au respect des animaux .
Je ne pense pas que nos valeurs soient en accord avec un élévage intensif et une sur-consommation de viande. Bien au contraire....
D'ailleurs dans nos traditions, on mange surtout de la viande à des grandes occasions.
Personnellement j'évite de manger trop de viande et de poisson, et j'ai toujours hâte d'être dans la ferme de ma famille à Guerbès pour savourer le goût.
Au moins je sais d'où elle provient et le plaisir est largement accentué parce que je n'en mange plus si souvent...."
Karim