« Les Algériens doivent se réconcilier avec leur nature… »
En Algérie, passée la décénnie noire, on parle beaucoup de réconciliation entre les multitudes de tribus sociales, politiques ou bien encore ethniques qui constituent cette formidable mosaïque qu’est notre pays. Mais pourquoi ne se préoccupe-t-on pas de réconcilier également toute cette population avec une nature oubliée?
Il faut dire que cette période d’obscurité et de fracture sociale a laissé beaucoup de blessures encore béantes dans la société algérienne actuelle.
A mon humble avis, une des plus profonde et dommageable est que depuis nombre d’Algériennes et d’Algériens ont une vision fragmentée de leur espace de vie. Parce que leurs campagnes, leurs ruesque ainsi leurs routes ont été le théâtre de crimes horrifiants, ils ont cultivé une sorte de méfiance viscérale de tout ce qui n’est pas leur environnement le plus intime c’est-à-dire leur foyer ainsi que leur tribu sociale (famille, amis, relations, quartier, région etc.…). Pire, à voir avec quel dédain ils y jettent leurs déchets, on pourrait même y déceler une forme de mépris qui frise la détestation pour certains.
De plus, il persiste dans le subconscient de bien des Algériens le concept désuet et nocif du « Beylik ». « Tout ce qui ne m’appartient pas personnellement est la part du Sultan », semblent se dire beaucoup trop d’entre nous. Il faut entendre par là que hors de leur sphère privée, la majeure d’entre eux n’arrive pas à concevoir l’espace publique comme un bien commun mais plutôt comme la propriété exclusive d’un « Pouvoir », qu’ils appréhendent plus comme l’incarnation d’un rapport de force qu'une volonté de sincère concertation.
Ainsi, le devoir de garder la « Maison » propre, une des valeurs les plus ancrée dans la nature de ce peuple, s’étiole dans leur cœur quand il s’agit du foyer commun. Pourtant c’est le territoire millénaire d’une jeune nation…
Il y a donc urgence à réconcilier un peuple avec sa nature, dans tous les sens du terme. Nos forêts et nos maquis, ainsi que nos espaces verts ne doivent plus être seulement perçus comme des foyers privilégiés de la délinquance. Trop d’Algériens ont aujourd’hui peur de randonner en pleine campagne alors que, il y a deux générations de cela, c’était le loisir favori de nos concitoyens…
Nos traditions et notre artisanat, pourtant si enclins au respect de l’environnement ainsi qu’à la sobriété, ne sont plus mis en valeur, et, c’est ainsi tout un pan de notre culture et économie « naturelle » qui est en train d’être supplanté par la globalisation de notre société en une masse de consommateurs; comme il en existe un peu partout sur la planète. Une Algérie dénaturée de ses particularités, de plus en plus déconnectée de sa nature profonde ne pourra relever le défi de la nouvelle modernité de ce deuxième millénaire : celle du respect de l’environnement.
Pour cela, les Algériens doivent redécouvrir leurs campagnes, non en y important leurs nouveaux réflexes urbains, souvent imprégnés par un cuisant incivisme, mais plutôt en se laissant inspirer par la culture de nos ruraux d’antan. La ville ne doit pas s’inviter systématiquement dans nos douars. C’est à la nature de coloniser nos agglomérations urbaines en les verdissant pour le plus grand bien-être physique et psychologique de leurs habitants…
Sans cette réconciliation, cette empathie pour ce qui est espace naturel ainsi qu'aire publique, toutes les campagnes de sensibilisations ne peuvent être totalement efficaces. La société civile doit être beaucoup plus souvent impliquée et consultée quand il s’agit de son environnement local afin de susciter un intérêt croissant pour le civisme et la responsabilisation du citoyen en matière d’environnement.
A l’heure où on parle de lancer le tourisme en Algérie, je pense qu’il serait bon de l’axer sur l’écotourisme, un tourisme de sensibilisation et découverte de la culture algérienne rurale. Nous ne ferions, en fait, que remettre au goût du jour un type de villégiature qui a fait les grandes heures de l’écotourisme naissant en Méditerranée…
Karim Tedjani.