"Renouer avec les valeurs de la Nature." par Karim Tedjani.
Ou de la nécessité d’encourager les séjours à la campagne pour les enfants défavorisés des grandes villes algériennes.
Je prendrais pour exemple des enfants que je connais bien : ceux du quartier du Ruisseau d’or à Annaba et je vous raconterais d’abord mon histoire si vous me le permettez.
Je suis né à Paris en 1972 dans le 10ème arrodissement de mère Azzabia et de père Soufi (El Oued) qui se sont installés en région parisenne.Les parents de ma mère vivent à Annaba au quartier du ruisseau d'or plus précisement.
Depuis mes six ans, je visite ce quartier plus que populaire mais néanmoins haut en couleurs. Mes grands parents n’ont jamais voulu le quitter .
Pour un petit « migré » comme moi venu de Paris , avide d’espaces verts et de liberté, "Gebent el Hioud", c’était vite l’ennui… Mes premiers voyages en Algérie, je l' avoue, je les ai vécus un peu comme une galère. Il faut savoir qu’à l’époque les gosses du quartier (avant de devenir plus tard mes meilleurs amis), avaient tous eu besoin de me chercher d’abord des noises. Et j’étais loin d’être la mauviette ou le fils à papa qu’ils pensaient que tous les petits « migrés » étaient... J'étais souvent impliqué dans de sacrées baguarres et je remercie ma mère de m'avoir inscrit au judo à l'époque...
Et puis, vers mes 10 ans , mon grand père Aïssa, lassé de recevoir des plaintes des voisins à propos de mes incessantes bagarres avec leurs "garnements", m’emmena chez sa nièce Nouara qui vivait dans une ferme à Guerbès, près de Skikda.Il me fit le plus beau cadeau qu'on m'ai jamais fait!
La mer, la montagne, des zones humides, un fleuve et surtout une ferme et Messaoud, le cheval "barde", j'ai trouvé tout cela et bien plus à Guerbès.
En France, je n’avais pas de famille à la campagne…A cette époque, pour moi la nature c’était les parcs publics et le bois de vincennes.Des animaux, j’en voyais au salon de l’agriculture. Sans plus.
Alors quand j’ai découvert cette ferme, avec un cheval, des ânes et une dizaine de cousins et cousines se fut enfin le début de mon histoire d’amour avec mon pays d’origine.
A l’époque, tout le monde parlait un français des plus pur à Annaba. Pas à Guerbès, et c’est ainsi que j’ai appris à parler l’arabe dialectal car chez moi à Paris, je veux dire là où mes parents habitaient, on ne parlait quasiment qu’en français.
Bref, quand je repense à cette période, je me rends compte à quel point la culture des "douaris " d’Algérie est belle, riche, multiple. Ce sont des gens libres et très acceuillants comme mon grand oncle El Haidi Latréche qui fût mon mentor et mon deuxième père.
Jamais je n’aurais pu vivre avec autant de liberté et parmi une nature si sauvage , ou j'étais pourtant plus en sécurité que nul part ailleurs en France, si je n’avais échoué un jour dans la ferme de cet homme. J’y ai appris les bases du métier de berger, de cultivateur, de pisteur et de tant d’autres choses car chacun de ses fils avait sa spécialité et me donnait sans réserve son savoir. Sa femme Nouara que je considère comme ma mère spirituelle m’a montré qu’on pouvait se guerir avec les plantes et tous les trésors de la nature.Elle me raconte encore aujourd’hui tant de choses sur l’Algérie d’autrefois et sur la vie des bergers nomades.
Poèmes, chants, légendes, énigmes, paraboles accompagnent la vie de ces gens authentiques et chaleureux.A Guerbès, j’ai appris à être un homme moderne qui s’inspire de la tradition.
Pour moi à l’époque, les gens en ville n’étaient souvent que des caricatures des français. A la campagne, j’ai rencontré la vraie Algérie.
J'aime la France pour sa langue , la grande culture et l'ouverture d'esprit qu'elle abrite en son sein.J'ai découvert en Algérie autant de richesse , de savoir et de poésie notamment grâce à mes séjours à Guerbès où des gens de ma famille , venus des quatre coins de l'Algérie pour séjourner l'été chez les Latrèche, m'ont appris à découvrir et m'ont ainsi donné l'occasion de me nourrir de mes origines, de mon autre pays.
Aussi quand je vois, aujourd’hui encore, des enfants à Gebent l’Hioud, passer des étés encore aussi ennuyants que ceux que j’avais endurés, qu’ils continuent à se bagarrer pour un rien et sont parfois même trop adultes pour leur âge , j’ai envie de tous les emmener à Guerbès pour leur faire passer non seulement de belles vacances mais aussi pour qu’ils apprennent à profiter de la beauté de leur pays si riche au sens propre et figuré.
Le tourisme international qui semble être bientôt d'actualité en Algérie pourrait aider à financer de nombreux projets allant dans ce sens.Les enfants de notre pays doivent largement en profiter car ils en sont l'avenir.
J’espère que cela se fera bientôt in challah!
Karim Tedjani
Créateur du projet pilote « la ferme d’accueil pédagogique Nouara » et administrateur de ce blog.
Membre et représentant en France de l'association Bariq 21 pour la promotion des énergies renouvelables et du développement durable en Algérie présidée par Mr Mohamed Tabbouche.